Le panthéon littéraire gay et lesbien nous offrait l'embarras du choix, mais nous nous sommes limités à une sélection de six textes qui ont chacun une histoire qui mérite d'être contée.
"Les Confessions" de Jean-Jacques Rousseau, écrites à partir de 1764, mais publiées après sa mort en 1782, comportent un passage sur le séjour lyonnais de l'auteur, place Bellecour, où il est accosté par un abbé. Ce passage ainsi que plusieurs autres relatifs aux aventures "sodomites" de Rousseau sont supprimés dans l'édition originale de 1782. C'est seulement en 1796, grâce au manuscrit des "Confessions" conservé à la bibliothèque de l'Assemblée Nationale, que les passages censurés pourront être connus puis rétablis par la suite…
Peu de temps avant sa disparition, Oscar Wilde, condamné à deux ans de travaux forcés pour délit d'homosexualité, écrit le 9 mars 1898, à propos de sa "Ballade de la Geôle de Reading" : "C'est mon chant du cygne, je suis devenu la ruine, l'effondrement de ce que j'eus naguère de merveilleux, de brillant et de terriblement invraisemblable. Je ne pense pas que je me remette jamais à écrire, la joie de vivre s'est enfuie et, avec la volonté, c'est la base de l'art".
"Feux", publié en 1936, évoque la passion de Marguerite Yourcenar pour un homme, l'écrivain André Fraigneau, qui resta de marbre face à ses avances : "Elle était le type même de la femme qui aime les femmes. Pourtant, j'ai vite compris qu'elle rêvait d'être la maîtresse d'hommes qui aiment les hommes…".
C'est dans le numéro 8 de "L'Arbalète", publié à Lyon par Marc Barbezat au printemps 1944, que paraît pour la première fois "Notre-Dame des Fleurs" de Jean Genet. Pour l'auteur, ce texte, qui va le rendre célèbre, n'est pas un livre pornographique mais un poème de 300 pages. Et c'est la poésie qui est un vice.
Jean Sénac, né à Oran, bâtard – car produit d'un viol – et homosexuel, choisit l'Algérie comme sa patrie qu'il décrit dans "Matinale de mon peuple", publié en 1961, véritable manifeste de la cause algérienne. Son assassinat en 1973, une nuit de fin d'été, dans l'appartement insalubre où il persistait à loger, le rapproche des destins tragiques de Lorca et de Pasolini.
Pierre Jeancard est un auteur aujourd'hui peu connu. Pourtant l'un de ses romans "La Cravache", édité en 1970, est longtemps resté un livre culte dans le milieu sado-masochiste homosexuel. Les exemplaires sont ceux de l'auteur et furent acquis lors de la vente de sa bibliothèque à Meillonas (Ain) le 19 juin 1982, après sa mort survenue en 1981.