A propos de la Bibliothèque municipale de Lyon

Depuis le 21 juillet dernier, l’accès du public aux équipements sportifs, culturels et de loisirs, est soumis à la présentation d’un passe sanitaire. Il ne nous appartient pas ici de porter une appréciation sur le bien-fondé de cette mesure, décidée par le Gouvernement dans le cadre de sa stratégie de lutte contre la pandémie de Covid-19, votée par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel, et encore moins d’en contester la mise en œuvre.
Le contrôle du passe sanitaire en bibliothèque soulève cependant de nombreuses interrogations. Pour la première fois depuis des décennies, l’accès aux bibliothèques territoriales n’est plus totalement libre, mais soumis à la présentation de justificatifs. Bien sûr, cette restriction n’est que temporaire et elle s’inscrit dans un contexte de crise sanitaire inédite. Elle prive cependant, pour un temps, une partie non négligeable de la population de l’usage d’espaces, de collections et de services qui représentent pour de nombreuses personnes, notamment les plus fragiles socialement, leur principal moyen d’accès à la culture. Elle constitue aussi une rupture par rapport à l’un des principes fondamentaux qui régissaient jusqu’ici le fonctionnement des bibliothèques, qui sont parmi les rares équipements publics dont l’entrée soit gratuite et ne soit soumise habituellement à aucune condition particulière. C’est l’une des raisons pour lesquelles les bibliothèques touchent aujourd’hui des publics aussi nombreux et aussi variés et constituent l’un des outils majeurs d’une démocratisation culturelle encore inachevée. Elles ont su également diversifier leurs services et jouent désormais un rôle éminent en matière d’inclusion sociale et de lutte contre la fracture numérique. La BmL met ainsi à la disposition du public plus de 300 postes informatiques dans l’ensemble de son réseau.
Aucun autre service public de proximité ne propose autant d’outils numériques, de dispositifs d’aide à l’utilisation de ces outils et d’accompagnement dans les démarches en ligne, dans tous les arrondissements.
Ces spécificités ont permis aux bibliothèques de bénéficier de conditions de fonctionnement particulières lors des précédentes phases de la crise sanitaire. Elles ont pu rester ouvertes entre novembre 2020 et juin 2021, quand tous les autres lieux culturels ont dû malheureusement fermer leurs portes. Il n’en est pas ainsi cette fois-ci. Si les bibliothèques universitaires ont été fort justement exonérées du passe sanitaire, tout comme les établissements d’enseignement, au nom de la nécessaire continuité éducative, les bibliothèques des collectivités territoriales n’ont pas reçu la même attention.
Les bibliothèques ne peuvent pas être au-dessus des lois et sont tenues de se conformer à la règlementation en vigueur. Il appartient donc au législateur, de faire évoluer ce cadre législatif, s’il le juge nécessaire, et d’inscrire dans la loi des dispositions garantissant un accès universel et continu aux locaux et aux services des bibliothèques. Une proposition de loi sur les bibliothèques et le développement de la lecture publique est actuellement en discussion au Parlement. Ce texte entend notamment consacrer le principe de la liberté et de la gratuité d’accès aux bibliothèques territoriales. Si cette proposition de loi était adoptée, elle constituerait assurément un pas supplémentaire, à défaut d’être définitif, dans la bonne direction.

Nicolas Galaud, directeur de la Bibliothèque municipale de Lyon