A propos de la Bibliothèque municipale de Lyon

Les bibliothèques municipales de la Ville de Lyon sont un service public ayant pour but de contribuer aux loisirs, à l’information, à l’éducation et à la culture de tous.

Prix René Leynaud 2020

Décerné à Mathieu Gabard

Le Prix René Leynaud 2020 a été attribué à Mathieu Gabard pour son livre CRA 115 propos d’hommes séquestrés (éditions des Lisières) par Nathalie Perrin Gilbert, adjointe à la Culture et Nicolas Galaud, directeur de la Bibliothèque municipale de Lyon.

Afin de promouvoir la création poétique francophone et de soutenir sa diffusion, l’association Espace Pandora et la bibliothèque municipale de Lyon organisent, avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Auvergne Rhône-Alpes, le Prix René Leynaud. Ce prix, en hommage à René Leynaud, journaliste, poète et résistant lyonnais, ami d’Albert Camus, mort fusillé pour acte de résistance, récompense un ouvrage de littérature contemporaine de forme courte (poème, prose poétique, fragments) écrit par un auteur émergent.

Né à Pau en 1986, Mathieu Gabard a laissé de côté les prémices d’une carrière de footballeur pour intégrer une classe préparatoire littéraire. Très vite, il participe à des expériences de créations poétiques et théâtrales puis crée un collectif pluridisciplinaire, l’EISPI, l’Ecole Internationale Supérieure de Poésie Intercontemporaine. Artiste pluriel et prolifique, il est tour à tour auteur, chanteur, performeur, danseur.
Poète engagé, il collabore à la création de Toutes et tous étrangers, en 2018 à Sète, collectif de lutte politique pour la fermeture des CRA, la liberté de circulation et d’installation.
Ouvrage résistant, percutant et troublant, CRA 115 propos d’hommes séquestrés est né d’une série d’entretiens réalisés en centre de détention administrative. Les textes témoignent de la violence quotidienne banalisée et abordent sans ambages les agressions psychologiques et physiques ainsi que les conditions sanitaires déplorables le tout couronné d’un racisme omniprésent.

Cette manifestation s’est tenue dans le cadre de la version numérique du festival Parole Ambulante.

Extraits de CRA — 115 propos d’hommes séquestrés

1

À six heures du matin, chez moi, je me réveillais pour aller au lycée,
je demande « c’est qui ? »
Ils disent « c’est moi, c’est les éducateurs »,
j’ouvre la porte,
c’était la police avec eux.
Ils m’ont dit que c’était parce que j’étais dans une situation irrégulière, que j’étais pas mineur –
je suis mineur.
J’ai fait trois mois de prison et je suis arrivé là

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moi je traduis parfois ici,
je parle anglais, français, allemand, espagnol, les deux arabes, j’ai trop de langues dans ma tête. L’autre fois il y a un vieux de soixante ans, il m’a demandé de traduire.
Du Maroc il allait aux Pays-Bas, en passant par la France, pour rendre visite à des amis.
Il s’est fait arrêté à Bastia – alors qu’il a six visas –
ils l’ont mis dans l’avion pour Paris,
puis Montpellier,
puis enfermé
ici, à Sète.
Moi j’ai traduit j’ai commencé à pleurer.
Il comprenait rien,
franchement,
des vieux comme ça, on devrait pas les mettre ici,
c’est pas normal, il a rien fait.
Les gens ils parlent mal, ils sont fous ici, pas tous, il y a des gentils et des méchants ;
c’est pas la place pour un vieux.
Sa famille sait pas où il est, il dit « si je dis à ma famille que je suis en prison tout le monde commence à pleurer donc je leur dis pas ».
Si c’était mon père à qui il était arrivé ça j’aurais fait le mal

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il y en a ici ils mangent des piles,
il y en a un il s’est taillé tout le bras pour sortir,
c’est trop long quarante-cinq jours