Bibliothèque du 9e la Duchère

Les lectures (dé)confinées du Cercle des lecteurs

Les participant.e.s du Cercle des lecteurs continuent de partager avec vous leurs coups de coeur littéraires.

Les coups de coeur de Pauline et Jacques

Jérôme Garcin le réalisateur et animateur du « Masque et la Plume » est aussi l’auteur d’une œuvre littéraire importante souvent d’inspiration autobiographique (La Chute de cheval, Olivier, Le Syndrome de Garcin…).
Le Dernier hiver du Cid fait écho à une autre dimension autobiographique de l’auteur puisque la comédienne Anne-Marie Philipe, son épouse, n’est autre que la fille de Gérard Philipe et que c’est, en quelque sorte, en hommage à son beau-père à l’occasion des 60 ans de sa disparition que Jérome Garcin a publié cet ouvrage.
« Le Dernier hiver du Cid », on pourrait le résumer de façon rapide comme le compte à rebours des derniers mois du comédien depuis ses ultimes vacances d’été jusqu’à son décès, à 36 ans, le 25 novembre 1959. Voilà pour la structure !
Mais c’est avant tout un livre qui, loin d’être morbide ni triste, nous restitue excellemment un portrait plein de vie(s) de l’acteur. Nous le découvrons dans ses multiples existences à la fois au côté des plus grands réalisateurs, dans la cour d’honneur du Palais des Papes vêtu du costume du Cid et du Prince de Hombourg, en compagnon de route du Parti Communiste aussi bien que dans son quotidien en famille et en infatigable bricoleur, terrassier ou jardinier dans la propriété familiale de Ramatuelle …. Nous garderons enfin l’image de ce grand lecteur de théâtre faisant jusqu’à son dernier jour le projet de ses futurs rôles (on lui avait caché la gravité de son état). Il se voyait même incarner Edmond Dantès au cinéma !
L’évocation de son inhumation en toute simplicité dans sa terre d’élection, entouré essentiellement de la population locale ajoute à la dimension pleine d’humanité de ce récit.
Un livre d’hommage, bien construit et plein de force tout en étant foisonnant d’anecdotes sur ce destin hors norme, où l’on croise beaucoup des grandes figures de son temps- Claude Roy, Georges Perros, René Clair et bien sûr Jean Vilar….
C’est une courte biographie de Gérard Philipe à laquelle seront sensibles les inconditionnels du grand comédien comme ceux à qui ces quelques pages seront l’occasion d’une découverte de cet acteur-culte hier comme aujourd’hui.

Une superbe enquête policière psychologique à déguster avec un peu de nostalgie…car même si l’auteur place cette intrigue en 1968, elle nous restitue une atmosphère lyonnaise qui fleure bon les années 50.
Un polar à part dans l’œuvre du stéphanois Charles Exbrayat dont le charme tient à ce qu’il est tissé de parler lyonnais, saupoudré de gastronomie croix-roussienne, infusé d’humour désuet et de poésie urbaine (dans l’entrelacs des petites rues à l’ombre du Gros Caillou).

En dehors du rayon policier vous retrouverez aussi avec plaisir ce titre dans le recueil de littérature lyonnaise « Gens de Lyon » au côté (entre autres) de « Brumerives » de Gabriel Chevallier ou du « Déménagement de Guignol » de Laurent Mourguet.
En introduction à cette lecture et pour (re)faire un peu mieux connaissance avec l’auteur,
nous vous proposons cette promenade avec Charles Exbrayat à la Croix-Rousse
https://www.youtube.com/watch?v=TuQBQUaXFDg

"Entrez dans la danse", c’est l’invite guillerette en forme de comptine que Jean Teulé a donné comme titre à ce roman sur la « manie dansante » de Strasbourg. Comme à son habitude Jean Teulé a choisi un événement historique mal connu pour nous y plonger avec sa manière inégalable. On se souvient de « Le Montespan » ou de « Charly 9 » …. Ici encore, le contexte historique est bien documenté. Les nombreuses vagues d’épidémies en France ont dès le Moyen-Âge marqué le territoire alsacien et le livre s’ouvre sur une séance du « Conseil de surveillance » où le maire semble rassuré par l’observation que « la peste est contenue à l’intérieur des fortifications » quand ses rapporteurs lui font part des danses de masse dans la rue-du-jeu-des-enfants ce que sur le moment il prend à la légère !
Nous sommes dans la capitale alsacienne, le 12 juillet 1518. La ville est en proie depuis des jours et des jours à une famine extrême au point que des parents en viennent à mettre fin aux jours de leur bébé, soudain la foule est prise d’un étrange mal. Une transe irrépressible s’empare des strasbourgeois qui se trémoussent sans discontinuer de jour et comme de nuit jusqu’à tomber d’épuisement, les pieds en sang.
Ce phénomène qui dure depuis 2 mois est jugé intolérable voire indécent par les autorités tant civiles que religieuses. Cela permet à Jean Teulé de faire revivre un épisode savoureux dans sa langue inimitable mêlant vocabulaire médiéval et argot contemporain : la force armée s’associe au clergé pour la mise en place autoritaire d’un convoi de charrettes devant conduire les malades atteints de la « danse de St Guy » au lieu de pèlerinage du Saint, au col de Saverne.
Encore un livre, où Jean Teulé réussit à nous documenter tout en nous émouvant et en nous faisant sourire, tout l’art du roman !
Une lecture qui ne peut que faire écho à l’épisode sanitaire actuel auquel la région Grand-Est a payé un lourd tribut.