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Nos collections patrimoniales couvrent l’ensemble des champs du savoir. Elles rassemblent des documents d’une grande diversité, par leur nature (imprimés, manuscrits, photographies…) comme par leur date de production (de la période mérovingienne à nos jours).

Jean Boiron

Mémoires du territoire

Début 2001, les Laboratoires Boiron ont fait don à la Bibliothèque municipale de Lyon d’un fonds de 3 000 livres et revues, publiés du XIXe au XXe siècle, et consacrés essentiellement à l’homéopathie. En complément, Christian Boiron proposa d’y ajouter les collections anciennes du Laboratoire, afin d’assurer la préservation, la mise à disposition du public et la mise en valeur de ces ouvrages. La Ville de Lyon a soutenu ce projet devant l’intérêt de ce fonds qui témoigne de la place singulière et souvent méconnue de l’homéopathie dans l’histoire et l’économie de la cité, et qui vient alimenter la richesse du patrimoine public lyonnais.

Cette donation est en fait composée de quatre collections : le fonds Jean Boiron, le fonds Nebel, le fonds Jarricot et le fonds LHF (Laboratoires homéopathiques de France). Chacune d’elles est le fruit de la patiente collecte de médecins homéopathes passionnés par cette thérapeutique. On y trouve la plupart des grands écrits français et étrangers concernant l’homéopathie depuis ses débuts au XIXe siècle jusqu’aux années 1960. Plusieurs éditions successives de l’Organon, livre-phare de Samuel Hahnemann, véritable fondateur de cette thérapeutique, sont présentes, mais aussi de très nombreuses petites brochures totalement introuvables aujourd’hui qui restituent bien l’état d’esprit passionné qui régnait parmi les partisans de cette nouvelle méthode de soins. Comme d’ailleurs parmi les opposants... Citons par exemple ce titre évocateur paru en 1841 chez Baillière : L’Homéopathie exposée aux gens du monde défendue et vengée, par le docteur Achille Hoffmann. Un autre titre : De quel côté se trouve la Vérité en médecine ? La thérapeutique surannée dite " allopathique " mise en parallèle avec la thérapeutique réformée dite " homéopathique ", traduit également les débats passionnés qui se tenaient à l’époque.
L’une des pièces majeures du fonds Boiron est toutefois la collection complète de la revue Le Propagateur de l’homéopathie, éditée à Lyon par le docteur Jules Gallavardin dès 1905 en vue de diffuser plus largement l’homéopathie. En 1932, la revue devient L’Homéopathie moderne et évolue vers un rôle plus informatif. Il faut noter la présence importante d’ouvrages en langue allemande témoignant du rôle majeur des médecins allemands dans le développement de l’homéopathie.

Lettre aux médecins français

C’est en 1796 que Samuel Hahnemann (1755-1843) publie le résultat de ses travaux dans l’article " Essai sur un nouveau principe ", paru dans la revue Journal de pharmacologie pratique et de chirurgie, où le médecin allemand décrit les fondements de la méthode homéopathique. En 1810, il publie son principal ouvrage, l’Organon ou l’art rationnel de guérir, où il généralise la méthode et décrit les principes de fabrication des médicaments homéopathiques. Si les travaux homéopathiques se multiplient Outre-Rhin, si plus de 25 ouvrages d’importance y paraissent… ainsi qu’une abondante littérature anti-homéopathique, on trouve peu d’échos de ces travaux dans la littérature médicale française. En revanche, et le fonds Boiron le montre à l’envi, des rapports historiques vont rapidement s’établir entre Lyon et l’homéopathie : la première société française d’homéopathie - la Société gallicane homéopathique - est fondée dans la cité en 1833, sous l’impulsion d’un " curieux personnage " (Henri Jarricot) : Sébastien Des Guidi.

Né à Naples et exilé politique en France, le comte Des Guidi se fixe à Lyon où il commence une carrière universitaire sous la protection de Vingtrinier, riche marchand de la ville. Il est naturalisé français le II thermidor de l’an VI et enseigne alors les mathématiques au collège de Privas. Deux ans plus tard, il revient à Lyon et enseigne au collège royal ou lycée impérial (actuel lycée Ampère). Il poursuit également ses études, occupe divers postes à Marseille, à Grenoble, à Metz, et obtient en 1820 les diplômes de docteur ès sciences et de docteur en médecine. Il a 51 ans.

Lors d’un séjour à Naples, où il retourne pour récupérer des biens confisqués en 1799 lors de son exil, Des Guidi découvre l’homéopathie. Sa femme, atteinte depuis de longues années d’une maladie grave, avait épuisé tous les recours de la médecine. C’est alors qu’il entend parler de l’homéopathie pratiquée avec succès par le docteur Romani qu’il appelle auprès de son épouse. Après la guérison de celle-ci, il est complètement convaincu de la portée de cette méthode nouvelle. Il raconte les circonstances qui l’engagèrent à étudier cette méthode thérapeutique dans sa Lettre aux médecins français : " Il me fallut bien avouer qu’un fait nouveau, incroyable pour moi, n’en était pas moins un fait et que la mesure de mes idées était un peu courte… Je fis des expériences sur moi, sur d’autres et ma conviction fut bientôt inébranlable. Je m’attachai deux ans de suite au cour de clinique ouvert à Naples, sur ces entrefaites, par les docteurs Romani et Horatiis auprès desquels j’étudiais de toutes mes forces et aussi avec quelque fruit ".

A son retour en France en 1829 après un pélerinage à Köthen, près de Dresde, où réside Hahnemann, Des Guidi commence à appliquer la thérapeutique homéopathique à Crest puis à Lyon où l’appelle à nouveau la Monarchie de Juillet qui lui confie un poste d’inspecteur d’académie. A 60 ans, il met talent et fortune au service de l’homéopathie et entreprend une croisade appuyée sur ses succès. Il écrit dans sa lettre : " Les succès de l’homéopathie furent comme à Crest, les mêmes à Lyon que la plus juste reconnaissance me faisait un devoir de choisir pour y allumer le premier foyer de l’homéopathie en France, et, où des cures multipliées et souvent chez les personnes les plus distinguées par leurs lumières et leur position sociale, n’ont pas tardé à déposer d’une manière éclatante en faveur des doctrines homéopathiques. " L’intérêt grandit parmi les médecins et Des Guidi est appelé pour traiter par correspondance des maladies graves en France, voire à l’étranger.

Vives discussions

En fait, il ne se limite pas aux soins de ses malades, il soutient également l’homéopathie contre l’intolérance de l’école officielle et sa demeure devient le centre d’une réunion de médecins désireux de se former à la nouvelle thérapeutique. La Société homéopathique lyonnaise est ainsi fondée. Son succès et son influence grandissent et elle donne naissance en 1833 à la Société gallicane homéopathique, qu’il préside. Elle compte déjà 60 sociétaires tant nationaux qu’étrangers.
Dès 1835, les malades guéris par Des Guidi ont fait réaliser par le graveur Pillart une médaille à l’effigie de leur bienfaiteur. Elle porte au revers l’inscription suivante : " L’an 1830, l’homéopathie a été introduite à Lyon et propagée en France par le Dr Comte Des Guidi ". Celui-ci meurt en 1863, dans sa 94e année.

A la fin du XIXe siècle, marquée par les débuts de l’ère pastorienne et l’explosion des connaissances médicales, l’homéopathie va perdre du terrain. A Lyon comme ailleurs, elle se retrouve marginalisée et le nombre des médecins homéopathes décline : ils ne sont plus qu’une centaine en France. Cependant, en 1905, le docteur lyonnais Jules Gallavardin, fils de Jean-Pierre Gallavardin, lui-même élève de Sébastien Des Guidi et fondateur de l’hôpital homéopathique Saint Luc, décide de créer un journal mensuel, Le Propagateur de l’Homéopathie. Dès 1910, la rédaction se félicite des bons résultats obtenus depuis cinq ans : la revue n’est plus seulement un vecteur de propagation mais un lieu de débat entre les différentes écoles de pensée sur la pratique homéopathique. Les discussions sont vives au sujet de l’efficacité des hautes dilutions, entre l’école strictement hahnemanienne et l’école éclectique du docteur Jousset de Paris. La création de la Société régionale d’Homéopathie du Sud-Est de la France et de la Suisse romande, sous l’impulsion des docteurs Gallavardin, Nebel et Duprat, vient concrétiser cette nécessité de confronter les expériences. C’est tout naturellement à Lyon, berceau de la Société homéopathique gallicane, que se tient la première réunion.

D’une collection à l’autre

Nous ne pouvons pas parler de cette collection sans évoquer la personnalité et le rôle fondamental de Jean Boiron dans la mise au point et le développement de la fabrication du médicament homéopathique.

Sur les conseils de Jean Baudry, pharmacien spécialisé en homéopathie et fondateur du Laboratoire central homéopathique lyonnais, situé 38 rue Thomassin, Jean Boiron (1906-1996) et son frère jumeau Henri, tous deux diplômés de pharmacie et docteurs ès sciences, fondent en 1932, à Paris, un laboratoire homéopathique : le Laboratoire Central homéopathique. Après un an de fonctionnement, Henri Boiron et René Baudry assurent le développement parisien de ce qui devient les Laboratoires homéopathiques modernes (LHM) alors que Jean Boiron assure le développement de l’entité lyonnaise qui devient la Pharmacie homéopathique rhodanienne (PHR). Dès 1933, Jean Boiron devient un membre actif de la Société Rhodanienne d’Homéopathie et effectue de nombreuses recherches, en particulier sur la mise au point de procédés de fabrication encore utilisés aujourd’hui.

Après avoir fonctionné de manière indépendante jusqu’en 1967, les Laboratoires homéopathiques Jean Boiron fusionnent avec les Laboratoires homéopathiques Henri Boiron et les Laboratoires homéopathiques modernes, en vue de donner naissance aux Laboratoires Boiron. Pour Jean Boiron l’enjeu était d’organiser et de structurer la production du médicament homéopathique qui était développée dans chaque officine selon les bases pharmaceutiques.

Le fonds Jean Boiron est maintenant complètement inventorié et informatisé. Il compose de 394 livres et 11 revues ; 172 de ces livres et 5 revues datent du XIXe siècle, à l’époque des débuts de l’homéopathie. On y trouve bien sûr les textes fondateurs comme les œuvres de Samuel Hahnemann, mais également des traités pharmaceutiques, botaniques et de sciences naturelles.

Le docteur Antoine Nebel (1870-1954) était un médecin homéopathe suisse, membre actif de la Société rhodanienne d’homéopathie (SRH) et co-fondateur de la revue Le Propagateur de l’Homéopathie. Sa bibliothèque comporte une partie des livres de son ami Henri Duprat, médecin homéopathe genevois, acteur comme Nebel du développement de l’homéopathie. Elle comprend de nombreux ouvrages sur des sujets spécifiquement homéopathiques, et contient également de nombreuses revues homéopathiques françaises et allemandes. Antoine Nebel fils a poursuivi, à Genève, le travail de son père et hérité de cette collection.

Les docteurs Jean (décédé en 1962) et Henri Jarricot (1903-1989), tous deux Lyonnais, ont essentiellement mené des recherches en biologie. Ancien chef de laboratoire à la Faculté de Médecine de Lyon, Jean Jarricot fut un défenseur efficace de l’homéopathie sans jamais être un homéopathe exclusif. Le traitement de ce fonds est presque terminé, actuellement 383 livres, dont 212 du XIXe siècle, et 25 périodiques ont été catalogués et inventoriés.

Les Laboratoires homéopathiques de France ont été créés par le docteur Léon Vannier (1880-1963) dans le souci de garantir la fiabilité de la préparation des médicaments. Après son installation à Paris en 1905, comme médecin homéopathe, Léon Vannier a créé en 1912 la revue L’Homéopathie française, devenue aujourd’hui L’Homéopathie européenne. C’est en 1926 qu’il a suscité la création des Laboratoires Homéopathiques de France, rachetés en 1988 par les laboratoires Boiron.
Le fonds LHF se compose de 285 livres, dont 34 datent du XIXe siècle, et de 4 périodiques.

Mise en ligne

Le fonds Boiron est désormais rattaché au département du fonds ancien puisqu’une partie importante des documents datent des débuts de l’homéopathie au XIXe siècle. Il constitue un ensemble particulièrement homogène.

A son arrivée, la première tâche fut d’inventorier et de cataloguer ces collections, afin qu’elles apparaissent dans le catalogue en ligne de la Bibliothèque accessible via internet , facilitant par là leur accessibilité au public et aux chercheurs. Il nous a semblé par ailleurs fondamental de pouvoir lister à la fois l’ensemble des titres du fonds Boiron mais aussi de pouvoir sélectionner les titres de chaque sous-ensemble. Pour chaque titre, nous avons donc mentionné la double appartenance par le biais de deux notes différentes : l’une, générale, qui rattache chaque livre à l’ensemble du fonds Boiron (Fonds Boiron) et l’autre qui relie chaque document à la collection particulière dont il fait partie (Fonds Jean Boiron, Fonds Nebel, Fonds Jarricot, Fonds LHF).