Exposition

du 12 novembre 2009
au 02 janvier 2010

Bibliothèque municipale de Lyon

Présentation de l'exposition

A partir d’un choix d’une soixantaine de documents, pour la plupart issus des riches collections de la Bibliothèque municipale de Lyon, cette exposition s’attache à présenter les différentes facettes de la vie et de l’œuvre de ce personnage controversé. Des pièces uniques ou rares ont pour l’occasion été prêtées par les Archives départementales du Rhône, le Musée de l’imprimerie de Lyon, les Musées des beaux-arts de Lyon et de Grenoble, les bibliothèques municipales de Dôle, Grenoble et Toulouse, ainsi que la bibliothèque Mazarine de Paris.

« Etienne Dolet, littérateur et imprimeur, né à Orléans en 1509, brûlé à Paris en 1546 »

Atelier d’imprimeur. Antoine Du Verdier. La Prosopographie ou description des personnes insignes.

Atelier d’imprimeur. Antoine Du Verdier. La Prosopographie ou description des personnes insignes. Lyon, Antoine Gryphe, 1573 (Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 32028)

Le siècle d’Etienne Dolet est avant tout celui de la Renaissance : c’est un siècle caractérisé par le renouveau des arts, des lettres et des sciences. C’est une époque de bouillonnement intellectuel, marquée par la diffusion de l’humanisme. Les humanistes, qui sont passionnés par les civilisations grecque et romaine, s’attachent à éditer et à traduire les textes antiques. Favorisée par le développement de l’imprimerie, la circulation de toute cette littérature classique se diffuse aux quatre coins de l’Europe savante.

Etienne Dolet, qui a fait ses études à Paris, Padoue puis à Toulouse, vient s’installer à Lyon, en qualité d’homme de lettres et d’érudit. Sous le règne de François Ier, la cité rhodanienne connaît une période de prospérité, grâce notamment à ses quatre foires annuelles et à ses activités bancaires. Mais son rayonnement est également intellectuel. Dans les années 1530, de grands écrivains humanistes y ont en effet séjourné, parmi lesquels François Rabelais, Clément Marot ou Sébastien Castellion. C’est enfin une ville du livre qui, depuis 1473, accueille de nombreux  imprimeurs.

Ce contexte favorise les échanges d’idées, ce qui fait de Lyon un milieu propice à la diffusion des réformes religieuses, introduites notamment par Martin Luther en Allemagne et Jean Calvin à Genève.


Portrait de Martin Luther. Gravure allemande du 16e siècle.

Portrait de Martin Luther. Gravure allemande du 16e siècle. (Bibliothèque municipale de Lyon, s.c.)

Portrait de Jean Calvin. Gravure anonyme du 16e siècle.

Portrait de Jean Calvin. Gravure anonyme du 16e siècle. (Bibliothèque municipale de Lyon, s.c.)

Lyon (Lugdunum). Georges Braun, Civitates orbis terrarum.

Lyon (Lugdunum). Georges Braun, Civitates orbis terrarum. [Cologne, v. 1575].
(Collection Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 5133)

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Rue Mercière, à l’enseigne de la Doloire

Lorsqu’Etienne Dolet arrive à Lyon, au mois d’août 1534, il est immédiatement accueilli par le grand imprimeur d’origine allemande, Sébastien Gryphe, pour qui il travaille un temps.

Portrait d’Etienne Dolet. La Prosopographie ou description des personnes insignes.

Portrait d’Etienne Dolet. La Prosopographie ou description des personnes insignes. Lyon, Antoine Gryphe, 1573 (Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 32028).

Privilège accordé par le roi à Etienne Dolet. Guillaume Paradin, De antiquo statu Burgundiae liber.

Privilège accordé par le roi à Etienne Dolet. Guillaume Paradin, De antiquo statu Burgundiae liber. Lyon, Etienne Dolet, 1542. (Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 335906).

Après avoir obtenu de François Ier, en mars 1538, un privilège exceptionnel pour l’impression des Å“uvres « des auteurs modernes et antiques », Etienne Dolet établit son atelier, rue Mercière, à l’enseigne de la Doloire. Ce n’est qu’en 1541 qu’il fait l’acquisition de ses propres presses typographiques. Il se lance dès lors dans la publication d’ouvrages touchant à la littérature, à l’éducation, à la philosophie et à la religion.

A l’instar de Sébastien Gryphe, Etienne Dolet imprime des livres d’une grande sobriété typographique, remarquables par le soin de la mise en page et le choix des caractères. En cinq ans, il sortira de son atelier plus de quatre-vingts éditions. Mais la réussite de ce nouveau venu attise la jalousie de ses confrères qu’Etienne Dolet traite volontiers « d’ivrognes » et de « paresseux ». Entouré d’ennemis dans le métier, il se retrouve rapidement seul et voit même ses amitiés les plus solides, comme avec Sébastien Gryphe et Jean de Tournes, se détériorer jusqu’à sa mort.

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Un homme de plume, un homme de caractère(s)

François Rabelais, Pantagruel, Roy des Dipsodes, restitué à son naturel.

François Rabelais, Pantagruel, Roy des Dipsodes, restitué à son naturel.
Lyon, Etienne Dolet, 1542
(Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 389862).

En tant qu’auteur, Etienne Dolet écrit aussi bien en latin qu’en français. Au sein du monde humaniste et littéraire de Lyon, il s’efforce de mettre en avant une communauté de poètes, au premier rang desquels figure Maurice Scève. Cependant, vers 1540, une brouille survient, à la suite de laquelle Etienne Dolet paraît de plus en plus isolé.

Par ailleurs, il participe au débat sur la langue, qui est l’un des plus importants de son époque. Au départ pur latiniste, il s’implique peu à peu dans le grand projet de « défense et illustration de la langue française », qui anime le monde littéraire bien avant Joachim du Bellay. C’est ainsi qu’il se lance dans son projet d’Orateur français, resté à l’état d’ébauche, qui ambitionne de codifier les règles de l’écriture en français.

En tant qu’éditeur, les choix d’Etienne Dolet reflètent ces orientations intellectuelles. Lorsqu’il publie les plus grands auteurs de son temps, François Rabelais et Clément Marot en tête, il s’agit là encore de « défendre et illustrer » la langue française. Il fait enfin preuve d’un véritable souci de vulgarisation et de pédagogie, surtout dans la publication de traductions d’œuvres classiques mais aussi médicales, ainsi que de livres de piété à tendance évangélique.


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Trois procès et deux bûchers : Dolet dans la tourmente

Les malheurs d’Etienne Dolet semblent autant liés à son caractère qu’à la teneur de ses écrits. Tout commence en 1536, lorsqu’au cours d’une rixe, il tue le peintre Compaing. Des lettres de rémission, accordées par le roi, lui permettent alors d’échapper à la sentence. Mais bientôt les choses se compliquent.

Accusé d’athéisme par l’inquisiteur Matthieu Orry, il est emprisonné à Lyon, à la prison de Roanne, en août 1542. Condamné par la justice ecclésiastique, puis transféré à Paris, il est jugé devant le Parlement. Relâché en octobre 1543, grâce à l’intervention de François Ier, il reprend la publication d’ouvrages entachés d’hérésie.

Le catalogue des livres examinez & censurez, par la Faculté de Theologie de l’Université de Paris : suyvant l’Edict du Roy, Publié en la Court de Parlement, le troisiesme jour de Septembre, M.D.LI. Le catalogue des livres examinez & censurez, par la Faculté de Theologie de l’Université de Paris : suyvant l’Edict du Roy, Publié en la Court de Parlement, le troisiesme jour de Septembre, M.D.LI. Le catalogue des livres examinez & censurez, par la Faculté de Theologie de l’Université de Paris : suyvant l’Edict du Roy, Publié en la Court de Parlement, le troisiesme jour de Septembre, M.D.LI.

Le catalogue des livres examinez & censurez, par la Faculté de Theologie de l’Université de Paris : suyvant l’Edict du Roy, Publié en la Court de Parlement, le troisiesme jour de Septembre, M.D.LI., Paris, Jean Dallier, 1551. (Bibliothèque municipale de Lyon, 373348)

A nouveau inquiété par l’Inquisition pour commerce de livres séditieux, Etienne Dolet prend la fuite et gagne l’Italie. C’est en fugitif qu’il apprend, en février 1544, que certains de ses ouvrages ont été envoyés au bûcher. Il rentre à Lyon, puis tente de rejoindre le roi qui fait face à une invasion en Champagne.

Alors qu’il travaille à une nouvelle édition du Second Enfer, déjà clandestinement publié à Lyon, il est arrêté à Troyes. La Sorbonne ayant trouvé dans cet ouvrage une phrase mettant en doute l’immortalité de l’âme, il est jugé et condamné pour hérésie par le Parlement de Paris en novembre 1544, puis brûlé place Maubert le 3 août 1546 avec tous les écrits qu’il avait rédigés en prison.

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Hier et aujourd’hui : la présence de Dolet

Plaque commémorative d’Etienne Dolet, rue Mercière à Lyon, offerte par les amis d’Etienne Dolet.

Plaque commémorative d’Etienne Dolet, rue Mercière à Lyon, offerte par les amis d’Etienne Dolet.

Du 17e siècle à  nos jours, le souvenir d’Etienne Dolet a été entretenu par ceux qui ont vu en lui un esprit libre. Dès la fin du Second Empire, le mouvement naissant de la Libre-Pensée en fait un symbole de son combat pour la raison et contre les croyances et les dogmes imposés par l’Eglise et la tradition.

La Troisième République anticléricale et laïque donne son nom à des rues et lui fait ériger des statues un peu partout en France. La plus célèbre est celle de la Place Maubert à Paris. Elle fascina les surréalistes tels André Breton ou Louis Aragon. D’autres écrivains le font apparaître en toile de fond de leurs pièces de théâtre ou de romans historiques. A Lyon, le projet de monument à la gloire d’Etienne Dolet, défendu par Edouard Herriot, n’a jamais abouti, mais une rue porte son nom. Aujourd’hui, la Bibliothèque municipale lui rend hommage.

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