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Syrie. Rue Baron, centre stratégique du commandement turc, Alep. 2001
Antoine Agoudjian
 
 
Asie mineure. Province abattoir, région ou s'est organisée l'extermination en masse lors de la déportation, Kharpert. 2002
Antoine Agoudjian
 
 
Arménie. Tradition qui remonte aux origines du christianisme, (laragharatz), région d'Achtarak. 2004
Antoine Agoudjian
 
 
Arménie. Epicentre du tremblement de terre, Spitak. 1989
Antoine Agoudjian
 
 
Arménie. Fête organisée par des descendants de rescapés originaires de Sassoun, Aparan. 1998
Antoine Agoudjian
 
 
Arménie. Pendant le blocus imposé par l'Azerbaïdjan, Gumri. 1993
Antoine Agoudjian
En préambule à l’Année de l’Arménie, la Bibliothèque municipale de Lyon a souhaité présenter le travail photographique d’Antoine Agoudjian.
Le choix de cette exposition s’inscrit dans une double démarche : d’une part reconnaître le travail de recherche et de réflexion humaniste de l’auteur, d’autre part retenir le mois d’avril comme un temps de pose, symbole d’une mémoire restée vivante pour un peuple qui ne peut oublier.
En effet tous les 24 avril les Arméniens du monde entier honorent la mémoire de leurs aieux, victimes du premier génocide du XXeme siècle.

A. Agoudjian utilise la photographie à la manière d’un historien, il observe avec patience et rend compte avec adresse de ce qu’il voit. Depuis 1989, il s’est rendu sur les lieux de la mémoire familiale, à la recherche de son pays perdu, nous offrant comme le dit si justement son ami Atom Egoyan des images d’une puissance jamais vues.

Les œuvres qu’il nous propose permettent la rencontre avec les descendants des rescapés du génocide Arménien. Remuant le passé, empruntant les chemins de l’exil, Antoine Agoudjian ne limite pas son territoire à l’Anatolie berceau de ses ancêtres, sa quête l’a mené jusqu’aux confins du Moyen Orient, là où l’histoire a conduit les Arméniens vers de nouvelles terres.

Un bref rappel historique nous aide à mieux comprendre sa recherche identitaire nous éclairant sur les circonstances de cette extermination et sur les questions qu’elle suscite.

En 1915 : 1 500 000 Arméniens vivant dans l’Empire Ottoman sont déportés et massacrés par le gouvernement Jeune Turc (officiellement connu sous le nom de Comité Union et Progrès) ; ceux qui survécurent, en grande partie des enfants, s’enfuirent là où ils purent. Certains survivants émigrèrent aux Etats-Unis, d’autres plus nombreux au Moyen-orient et dans l’Arménie actuelle. C’est ainsi que les grands parents d’Antoine Agoudjian, après les sombres heures du génocide se réfugièrent en France.

La démarche d’ A. Agoudjian appuie la légitimité de son peuple ; le refus de reconnaissance de ce crime par la Turquie est vécu comme une seconde mise à mort, laissant un sentiment d’amertume qui semble plomber le dialogue.

L’ampleur de l’injustice dont ont été victimes les Arméniens, la complicité silencieuse de la communauté internationale de l’époque, cet acharnement à l’anéantissement ont conduit notre auteur à s’inscrire dans une quête communautaire.

Comme il se plait à nous le montrer : l’identité des Arméniens quoique éclatée apparaît solide à travers le monde, la beauté se devine derrière la tragédie, ce peuple est exemplaire dans son intégration ; malgré ses coutumes et sa spécificité il a pris racine discrètement, arraché à sa terre il a accepté d’en cultiver une autre, semant là où le drame l’a conduit.

Le message d’A. Agoudjian est certainement celui de l’exilé qui a pour seule patrie l’humanité et dont le désespoir sait faire place au renouvellement.
L’artiste nous accueille en convive plutôt qu’en témoin, et même si nous n’avons pas fait le voyage* ; même si nous n’étions pas présents lors du tremblement de terre qui déchira l’Arménie en 1988, cette exposition photographique restitue avec intelligence la richesse d’une approche humaniste, la dignité qui surpasse la souffrance endurée.

Ces images d’une apparente simplicité, ces échanges de regards frontaux, «ces yeux brûlants», nous montrent un peuple qui se tient debout, un peuple qui n’a de cesse de défendre la réalité de cet exil parce qu’on ne peut vraiment exister qu’en considérant son droit à la mémoire, qu’en reconnaissant son histoire.

Antoine Agoudjian connaît bien la sienne, il touche avec générosité le sens même de la fraternité, favorisant toujours la qualité des rapports humains. Nous ne sommes pas surpris d’apprendre que l’artiste est aussi un maitre-danseur ; ne dissociant pas le corps de l’esprit, sa démarche loin de la mise en scène est conduite par une véritable complicité avec les siens.

Dans ses expositions précédentes, A Agoudjian nous montrait les hommes dans leur profonde humanité, je le remercie aujourd’hui de cette invitation à savourer avec intensité d’émouvantes rencontres aux parfums d’Arménie.

Sylvie Aznavourian

* pays visités par Agoudjian : Anatolie - Arménie - Géorgie - Iran - Irak - Israël - Kharabagh - Liban - Syrie - Turquie

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