À propos de l’exposition
Né à Genève de parents français et formé à Lausanne, Marc Michel Rey (1720-1780) s’installe comme libraire à Amsterdam en 1746. Il exerce une activité de marchand de livres mais aussi d’éditeur de textes inédits. De Hollande, il produit et distribue des ouvrages dans toute l’Europe et en particulier pour le marché français. Dès 1749, Rey se fait connaître par des éditions augmentées du Journal des Savants. Il devient ensuite l’éditeur principal des philosophes des Lumières : Rousseau en premier lieu, mais aussi Voltaire, Diderot, ou encore le baron d’Holbach.
L’exposition invite à explorer les différents aspects du travail d’un libraire au XVIIIe siècle : sa formation, la fabrication et la distribution des livres, les liens avec les auteurs dont il accepte d’éditer le manuscrit, le rapport à la censure. Les 66 documents et objets exposés – livres imprimés, lettres, portraits, matériel typographique – permettent au visiteur d’entrer dans l’atelier d’un libraire considéré à la fois comme « très renommé » et comme « des plus suspects » par la police, car il contribue à l’édition et à la diffusion européenne des textes les plus hardis des Lumières.
Cette exposition est le fruit d’un partenariat étroit entre la bibliothèque municipale de Lyon, qui dispose d’un fonds important d’ouvrages publiés par Marc Michel Rey, et le centre de recherches IHRIM (Institut d’histoire des idées et des représentations dans les modernités, UMR 5317). Elle s’appuie sur un projet scientifique d’édition critique de la correspondance et des archives du libraire, associant histoire des idées, histoire du livre et humanités numériques. Une carte interactive permettra ainsi aux visiteurs de l’exposition de visualiser les correspondants de Rey et de prendre la mesure du rayonnement européen du libraire.
L’exposition est organisée en quatre parties. La première donne un aperçu de la vie de Marc Michel Rey, fils de protestants réfugiés, de sa formation au métier de libraire jusqu’à son installation à Amsterdam où il ne tarde pas à se constituer une clientèle et un réseau de correspondants européens et à être sollicité par les auteurs parmi les plus prestigieux de son temps.
La deuxième partie permet de découvrir les différents aspects du métier de libraire au XVIIIe siècle depuis le choix des manuscrits jusqu’à la distribution et la vente des livres, soumise aux aléas climatiques et politiques. Une attention particulière a été portée aux aspects techniques de la fabrication du livre, avec la collaboration du Musée de l’imprimerie de Lyon : choix des caractères, composition des pages, impression, édition partagée. Le visiteur pourra avoir une idée du riche fonds du libraire, tant par la qualité des ouvrages (grands formats, gravures, ornements…) que par la diversité des titres proposés. Par ailleurs, Marc Michel Rey s’est fait connaître très tôt dans sa carrière, en 1749, par son activité d’éditeur de journaux. Non seulement il a permis la diffusion européenne de célèbres périodiques français, Le Journal des savants ou le Mercure de France, mais il a lui-même contribué à en augmenter le contenu en s’appuyant sur un réseau de correspondants lui envoyant nouvelles et comptes rendus.
En suivant la galerie de portraits des auteurs édités par Marc Michel Rey, on découvre avec Diderot, Rousseau et Voltaire, que le libraire s’est très vite acquis la confiance des philosophes pour diffuser leurs ouvrages, y compris les plus hardis. Dès le début de sa carrière, Marc Michel Rey est qualifié de « libraire des plus suspects » par la police parisienne et certaines de ses éditions, seront saisies et brûlées par la censure. On découvre alors, dans la troisième partie de l’exposition, comment le libraire s’efforce de contourner la censure, notamment par le recours à la contrefaçon et à des fausses adresses. Mais Rey fut lui-même contrefait, ce qui est le signe à la fois du succès des ouvrages qu’il édite, à l’instar du Contrat social de Rousseau et de la renommée de son travail de libraire.
La dernière partie de l’exposition, consacrée à l’héritage du libraire, permet de voir que le nom de Marc Michel Rey est devenu une sorte de garantie de succès que d’aucuns n’hésitent pas à usurper. Mais son véritable héritage intellectuel se situe en Belgique, où son gendre et son petit-fils, Charles et Louis Weissenbruch, fondent une maison d’édition promise à un grand avenir.
Les commissaires de l’exposition se sont particulièrement attachés à rendre compte de la singularité de ce libraire, figure marquante des Lumières, très vite renommé et très exigeant dans ses choix éditoriaux, en donnant accès aux livres qu’il a publiés, mais aussi à la correspondance qu’il a entretenue avec ses confrères libraires, les auteurs ou les correspondants des journaux. Le visiteur aura ainsi un accès privilégié à l’atelier d’un libraire du XVIIIe siècle mais aussi aux coulisses de l’entreprise intellectuelle, éditoriale et commerciale qu’est la publication d’un livre.
Commissaires de l’exposition : Christelle Bahier-Porte (Université Jean Monnet, Saint-Étienne, IHRIM), Fabienne Vial-Bonacci (CNRS, IHRIM), Benjamin Ravier-Mazzocco (BML, Fonds ancien) avec la collaboration de Jean-Michel Noailly (ENISE, IHRIM).