Le ménage des champs

du savoir agricole antique aux livres d’agriculture de la Renaissance

Matthieu Bonafous (1793-1852) : une carrière d’agronome

par Thomas Lorson et Magdeleine Nivault

Matthieu Bonafous est né à Lyon en 1793. Installé à Turin, il fait rapidement de l’agronomie son domaine de prédilection. Âgé d’une vingtaine d’années seulement, il devient membre de plusieurs sociétés savantes, dont les prestigieuses Sociétés royales d’agriculture de Turin et de Lyon. S’il étudie avant tout la culture du mûrier et l’élevage du ver à soie, il s’intéresse également à l’agriculture céréalière et à l’introduction de nouvelles espèces animales. Sa carrière d’agronome est marquée par de grands succès, distinctions et médailles. Ses travaux sont édités et diffusés dans toute l’Europe. C’est que Bonafous peut compter sur son vaste réseau de connaissances du monde savant de l’époque : sa riche correspondance avec Balbis, médecin et botaniste italien, est là pour en témoigner. Bonafous enrichit sa pratique de l’agronomie grâce à divers domaines, comme la zoologie, la botanique, la chimie, et même la littérature et la poésie, notamment les textes didactiques de l’Antiquité.

Pour aller plus loin : Aurélie Blanc, « Aux origines de la soie », Gryphe, n° 13, 2006, p. 11-19 [En ligne].

1.

Fig. 1. Nicolas-Eustache Maurin (1799-1850), Matthieu Bonafous, D.M.M., membre correspondant de l'Institut de France, 1836. Bibliothèque municipale de Lyon, Coste 13322 {JPEG}

Fig. 1.

Fig. 1. Nicolas-Eustache Maurin (1799-1850), Matthieu Bonafous, D.M.M., membre correspondant de l’Institut de France, 1836.
Bibliothèque municipale de Lyon, Coste 13322

Bonafous est nommé correspondant de l’Institut de France en 1835, ce qui souligne son importance dans le domaine scientifique à l’étranger. C’est ainsi que Bonafous se fait représenter par Maurin, un graveur réputé et spécialisé dans les portraits des personnalités contemporaines.


2.

Fig. 2a. Matthieu Bonafous, Du riz, Paris, 1835, page de titre. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 6059. {JPEG}

Fig. 2a.

Fig. 2b. Matthieu Bonafous, Du riz, Paris, 1835, première page de texte. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 6059. {JPEG}

Fig. 2b.

Fig. 2a et 2b. Matthieu Bonafous, Du riz, Paris, 1835, page de titre et première page de texte.
Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 6059

Bonafous rédige de nombreux articles scientifiques, à l’image de ce court mémoire manuscrit sur le riz. Sa bibliothèque contient de nombreux documents relatifs à cette plante, et ses correspondants lui envoient des informations à ce sujet. Dès la page de titre, Bonafous précise que ce texte destiné à être inséré dans l’immense encyclopédie agricole La Maison rustique du XIXe siècle, qui réactualise la forme inaugurée par Charles Estienne en 1564. Comme dans les ouvrages de botanique de la Renaissance, Bonafous commence par donner le nom du riz dans plusieurs langues, avant de décrire la plante, ses différentes variétés, ses usages, sa culture.


3.

Fig. 3a. Matthieu Bonafous, Iconographie des espèces de mûrier cultivées au jardin royal d'agriculture de Turin, 1837-1839, planche 3. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 5873. {JPEG}

Fig. 3a.

Fig. 3b. Matthieu Bonafous, Iconographie des espèces de mûrier cultivées au jardin royal d'agriculture de Turin, 1837-1839, planche 7. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 5873. {JPEG}

Fig. 3b.

Fig. 3a et 3b. Matthieu Bonafous, Iconographie des espèces de mûrier cultivées au jardin royal d’agriculture de Turin, 1837-1839, planches 3 et 7.
Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 5873

Ce document aux grandes dimensions propose des reproductions très fidèles, grandeur nature, de quinze différentes espèces de mûrier. Ici, on voit Bonafous à l’œuvre en tant qu’observateur et dessinateur : certaines planches laissent voir les coups de crayon, les esquisses gommées, les notes manuscrites qui spécifient la date de réalisation. Ces grandes illustrations peintes ne sont pas sans rappeler les encyclopédies botaniques luxueuses de la Renaissance.


4.

Fig. 4a. Matthieu Bonafous, Cours public et gratuit de zoologie ou de l'histoire naturelle des animaux..., f. 30r. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5383. {JPEG}

Fig. 4a.

Fig. 4b. Matthieu Bonafous, Cours public et gratuit de zoologie ou de l'histoire naturelle des animaux..., f. 30v. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5383. {JPEG}

Fig. 4b.

Fig. 4c. Matthieu Bonafous, Cours public et gratuit de zoologie ou de l'histoire naturelle des animaux..., f. 31r. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5383. {JPEG}

Fig. 4c.

Fig. 4a, 4b et 4c. Matthieu Bonafous, Cours public et gratuit de zoologie ou de l’histoire naturelle des animaux, appliquée aux arts agricoles et manufacturiers, f. 30r, f. 30v et f. 31r.
Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5383

Ce document dévoile une autre facette de l’activité agronomique de Matthieu Bonafous : l’enseignement. Ces notes peu soignées présentent le contenu et les enjeux d’un « enseignement d’un nouveau genre et si neuf » qui semble surtout relever d’un idéal. Il s’agit d’un cours « élémentaire » à destination des praticiens, agriculteurs, industriels, manufacturiers, afin de leur dispenser des savoirs fondamentaux sur les animaux qu’ils côtoient dans leur travail. Le savant propose un cours itinérant qui va au contact direct des praticiens de l’agriculture.


5.

Fig. 5a. L'échelle-brouette de M. Bonafous. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 6540, pièce 61 (différentes positions de l'invention et mode d'emploi). {JPEG}

Fig. 5a.

Fig. 5b. L'échelle-brouette de M. Bonafous. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 6540, pièce 58 (paysan utilisant l'échelle-brouette). {JPEG}

Fig. 5b.

Fig. 5a et 5b. L’échelle-brouette de M. Bonafous.
Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 6540, pièce 61 (différentes positions de l’invention et mode d’emploi) et pièce 58 (paysan utilisant l’échelle-brouette).

Matthieu Bonafous n’a pas fait que rédiger des articles, observer la nature et enseigner les sciences. C’est aussi un innovateur dans le domaine de l’agronomie. Il a par exemple introduit de nouvelles espèces de chèvres en Italie et créé de nouvelles espèces de mûriers. Il possédait lui-même des animaux d’élevage, comme le mouflard dont nous possédons un dessin (Rés 6540, pièce 89). Il a aussi inventé quelques outils pratiques, comme cette création qui peut servir tantôt d’échelle, tantôt de brouette : le 31 juillet 1838, un correspondant italien lui écrit d’ailleurs à propos des gravures représentant son invention (ms 6048, t. 2, f. 214).


6.

Fig. 6a. Brouillons : Le Ver à soie, poëme en deux chants de Jérôme Vida, f. 257. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5372. {JPEG}

Fig. 6a.

Fig. 6b. Brouillons : Le Ver à soie, poëme en deux chants de Jérôme Vida, f. 259. Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5372. {JPEG}

Fig. 6b.

Fig. 6a et 6b. Brouillons : Le Ver à soie, poëme en deux chants de Jérôme Vida, f. 257 et f. 259 (incipit du chant 1).
Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5372

Lecteur de Virgile, Palladius, Columelle, Bonafous est également littérateur à ses heures. Il propose en effet la première traduction française d’un poème en deux chants sur le ver à soie, composé par Marc Jérôme Vida, évêque d’Albe au XVIe siècle. Sous la plume de Bonafous, poésie et agronomie se mêlent dans une même entreprise : « Le poëme dont j’ai tenté la traduction n’avait rien d’étranger à mes études agricoles : il traite d’un art au progrès duquel j’ai dévoué mon existence ». Ces quelques feuillets d’une des dernières étapes de son travail préparatoire nous montrent le traducteur et le préfacier à l’ouvrage. La Bibliothèque possède un des vingt exemplaires du premier tirage de cette traduction publiée en 1840.