Au 19e siècle tout particulièrement, un certain nombre de représentations socio-culturelles et d’actes législatifs assignent les femmes à un unique rôle reproductif. L’incarnation de cette vision fantasmée, c’est évidemment « la femme au foyer ». L’historienne Michelle Perrot le résume ainsi : « Aux hommes, le public et le politique […] aux femmes, le privé et son autel, la maison ». De même dans le registre du travail, la division sexuelle est tranchée. Aux hommes, la sphère productive ; aux femmes, la sphère reproductive, c’est-à-dire les activités domestiques et de soin.
Cependant, les femmes ont toujours été présentes dans l’espace et la vie publics, à commencer par les lieux de travail salarié qui ont été aux 19e et 20e siècles des espaces d’intenses luttes politiques. C’est notamment dans ces lieux d’exploitation des corps que la mobilisation des femmes va s’intensifier, tandis qu’il faudra attendre les années 1970 et la seconde vague féministe pour que l’espace privé soit l’objet de luttes spécifiques.
L’histoire de la libération des femmes par le travail est celle d’une « paradoxale émancipation » selon la formule de l’historienne et sociologue Francine Muel-Dreyfus : alors même que le marché du travail représente une échappatoire à la vie domestique et un moyen d’indépendance économique, il renforce aussi l’exploitation des femmes en prolongeant les inégalités de la sphère familiale dans la vie professionnelle et leur impose bien souvent une double journée de travail.
Au tournant des années 1970, les mouvements féministes vont plus directement occuper l’espace public, la rue. Elles font corps en manifestations et usent de ce dernier comme d’un instrument de contestation et de revendication pour exiger l’égalité ou dénoncer les violences sexuelles dont elles sont victimes. Par ailleurs, en 1971, Linda Nochlin écrit un essai retentissant, « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes artistes femmes ? » qui rend public l’absence des femmes dans les institutions tandis que les artistes féministes multiplient les performances mettant en scène leur corps et sa réappropriation pour déconstruire les représentations sexistes et essentialistes.