Différence des sexes et assignations forcées

Élève du célèbre André Vésale, le médecin espagnol Juan Valverde (d’Amusco en Castille) en reprend les travaux et publie plusieurs traités d’anatomie qui auront un franc succès. Fidèle à son mentor, il représente le sexe féminin comme un pénis creux et retourné vers l’intérieur. Les ovaires sont alors nommés les « testicules ». Seule différence, mais de taille : la « matrice », c’est-à-dire l’utérus. Elle est à l’origine de nombreuses théories - farfelues -, qui justifient des spécificités physiques et mentales attribuées aux femmes.

L’image montre :
. à gauche (fig. XXVIIII ou 29) le vagin disséqué au niveau du col de l’utérus ;
. au centre en haut (fig. XXIIIII ou 25) les organes digestifs féminins ;
. au centre en bas (fig. XXVI ou 26) la circulation sanguine ;
. en haut à droite (fig. XXVII ou 27) le vagin, l’utérus, la vessie et les veines ;
. au milieu à droite (fig. XXVIII ou 28) le vagin, l’utérus, les ovaires.
On remarque l’absence totale de représentation du clitoris.

L’ouvrage de P. Roussel, médecin et journaliste français, s’intéresse tout particulièrement à la physiologie et à la psychologie de la femme. Il est très novateur pour l’époque car la femme devient le sujet central. Le traité décrit le fonctionnement du corps féminin dans sa spécificité, en opposition à celui de l’homme. La nature féminine, sa psychologie sont liées à son rôle reproducteur.

Depuis le 19e siècle, le clitoris est le grand oublié des savants, qui le considèrent comme non essentiel à la reproduction. Il suscite de nouveau l’intérêt avec les études d’Helen O’Connell dans les années 1990 puis, en 2016, avec l’intervention
de la chercheuse Odile Fillod qui le modélise en 3D. En 2017, le clitoris est, pour la première fois, correctement représenté dans un manuel scolaire français.

La légende de l’hermaphrodisme - soit une « créature » ayant à la fois les organes sexuels féminins et masculins - est comprise comme un phénomène de transformation ; les filles deviennent des garçons au cours de leur vie. Il suffit d’un élément, un excès de chaleur, un ruisseau à traverser pour que l’appareil génital
descende et que la mutation en homme en soit achevée. De nombreux écrits témoignent d’une préoccupation sociale et politique autour des corps atypiques et des comportements jugés déviants. C’est le cas de Montaigne qui relate, dans son Journal en Italie, l’histoire de Marie/Germain. Le médecin, Jacques Duval, chargé d’examiner Marie/Marin Le Marcis raconte quant à lui le procès de « l’hermaphrodite de Rouen ».

Engagée auprès de la communauté LGBTQI+, Amanda Picotte donne à voir l’invisible en livrant des portraits de la communauté des femmes transgenres. Dans cette série, elle accompagne sa cousine dans sa transition et l’aide, via ces clichés,
à expérimenter sa féminité.