Corps interdit, corps rejeté
Les tabous et les interdits, héritages de croyances anciennes et religieuses, ponctuent la vie des femmes. Les menstruations, la pilosité, les maladies comme le cancer, la ménopause et plus généralement la vieillesse sont rendues invisibles et censurées dans l’espace public. Le sang menstruel, décrit aussi bien dans les textes anciens, des écrits de Pline l’Ancien en passant par le Lévitique ou le Coran que dans les écrits scientifiques du 19e siècle comme ceux de Cesare Lombroso, est une souillure, quelque chose de toxique qui doit être caché.
Malgré les performances d’artistes américaines, Valie Export, Judy Chigaco et Gina Pane qui, dans les années 1960-70, donnent à voir l’indicible, l’image des menstruations demeure un tabou et donc une lutte. En 2012, l’artiste portugaise Joana Vasconcelos doit présenter au château de Versailles « Ai Nova », un lustre composé de milliers de tampons hygiéniques ; l’œuvre est censurée. Et que dire de la vieillesse ou plutôt de l’injonction à demeurer belle donc jeune ? Au cours des siècles, les représentations et les mots ne manquent pas pour décrire la vanité, l’allégorie de l’envie, la pourriture et le danger sous les traits des vieilles femmes. Elles sont forcément des sorcières, des faiseuses de sortilèges justifiant tous les châtiments et toutes les moqueries. Lorsque l’approche de la vieillesse des femmes n’est pas caricaturale, elle est tout simplement tue.
Dans les années 1970, malgré les analyses de Simone de Beauvoir et de la romancière et essayiste Susan Sontag, la question de l’âge et du vieillissement demeure marginale. En 2016, Thérèse Clerc et Benoite Groult mettent en relation sexisme et âgisme. Cette dernière note que « la vieillesse des femmes est encore une sorte de tabou. De belles vieillardes, ça n’existe pas. C’est une vieille peau, une dondon, il n’y a que des mots déplaisants pour parler de la vieillesse des femmes ».
Histoire naturelle de Pline traduite en françois...
Encyclopédie de référence pour toute la culture occidentale jusqu’à la Renaissance, et au-delà, l’histoire naturelle de Pline décrit le sang menstruel comme une substance propre aux seules femmes humaines, et comme un poison pour son environnement
PLINE L’ANCIEN (0023-0079)
Histoire naturelle traduite en français
Paris : chez la veuve Desaint, 1771, in-4
Lyon, bibliothèque municipale, Rés 150010 T. 03.
Pipilotti Rist, Blutclip
Dans cette vidéo, Pipilotti Rist traite du sang et plus particulièrement du sang menstruel qui, loin des tabous et des interdits, doit être entendu comme un signe
de bonne santé. Aussi ne faut-il plus le cacher, le dissimuler mais au contraire l’exposer.
Pipilotti RIST
Blutclip, 1993
Vidéo, 4’
Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes
Enthea et Amandine Petit-Martin, Soyeuses
Le projet lyonnais Soyeuses porte sur les normes oppressives liées à la pilosité et à sa non-représentation. La série photographique se veut la plus inclusive possible - mais manque encore de certaines représentations de minorités - et donne à voir de nouveaux modèles féminins. Des textes écrits par les modèles et anonymisés accompagnent les photographies et questionnent les injonctions à s’épiler : « “Les poils sur les femmes, c’est sale.” Ah bon ? Pourtant on naît avec. Ils ne deviennent “sales” qu’à partir d’un certain âge… »
Photographie par Enthea, en collaboration avec Amandine PETIT-MARTIN de l’association Liberté Pilosité Sororité
Soyeuses, 2020
Photographie, 60 x 902 cm, épreuve d’artistes
Prêt des artistes
Della Fisonomia dell’ huomo
Une allégorie, c’est-à-dire la représentation d’une idée grâce à une figure, prend généralement les traits d’une jeune femme. Ici, l’Envie est incarnée par une vieillarde au visage émacié, au ventre flasque et aux seins pendants, dont l’aspect est censé exprimer la charge négative du concept.
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Della Fisonomia dell' huomo
plus d'infos sur numelyo
Giambattista DELLA PORTA (1535 ?-1615)
Della Fisonomia dell’ huomo
Napoli : appresso G. G. Carlino, e C. Vitale, 1610, in-2
Lyon, bibliothèque municipale, 105630
Nicole Tran Ba Vang, La Fornarina 497 ans
Dans la série « You Will Never Dye », l’artiste reprend les icônes de l’art occidental et sonde les canons de beauté classique. L’artiste bouscule ce modèle, ici en détournant La Fornarina de Raphaël, et donne à voir la décrépitude et les marques du Temps qui passe, pour signifier non pas la fatalité et la désolation mais plutôt la possibilité de s’ancrer et de vivre avec le temps.
Nicole TRAN BA VANG
La Fornarina 497 ans, série « You Will Never Dye », 2010
Photographie, 85 x 60 cm
Prêt de l’artiste
Site galeriepatricetrigano.com
Dayna McLeod, I Live for menopause
Détournant une chanson de Lady Gaga, l’artiste Dayna McLeod, engagée sur les questions de féminisme, de genre et de sexualité, utilise son corps pour imaginer avec humour une ménopause future, pleine de promesses.
Dayna McLEOD
I Live for menopause, 2018
Video, 4’15
Prêt de l’artiste