Normes, marges & groupes stigmatisés
« Au commencement, il y a l’injure », écrit Didier Eribon dans Réflexions sur la question gay. « L’injure me fait savoir que je suis quelqu’un qui n’est pas comme les autres, pas dans la norme. Quelqu’un qui est queer : étrange, bizarre, malade… Anormal ». L’injure est constitutive d’une subjectivité minoritaire, d’un rapport au monde marqué par la violence de l’interpellation et de l’assignation. C’est « un monde d’injures » que décrit le fonds Chomarat, un monde de multiples injures, chacune d’entre elles singulière, avec ses termes et son histoire propres.
S’enracinant dans une fascination pour la déviance et la criminalité, le fonds s’appréhende ainsi comme une méditation archivistique sur la manière dont une société ne cesse de créer des « marges », « du normal et du pathologique », c’est-à-dire une ligne de démarcation entre des groupes dominants et des groupes dominés, exclus, assujettis et persécutés. Les aliénés, les homosexuels, les juifs, les prostituées, les francs-maçons ou encore les immigrés, etc. forment quelques-uns de ces groupes minorisés. Les archives explorent les mécanismes sociaux de stigmatisation, les représentations qui y sont associés, mais aussi les formes de résistance que minoritaires et exclus opposent au pouvoir, notamment par la réappropriation et l’affirmation du stigmate.