AIRS DU TEMPS
Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon (1905-1957)

Florent Schmitt (1870-1958)

Ce compositeur fut lyonnais de 1921 à 1924, lorsqu’il prit la direction du Conservatoire de Lyon.

Né en Meurthe-et-Moselle, à Blâmont, dans une famille mélomane, comme Georges Martin Witkowski, il fait ses études à Nancy et est reçu à 19 ans au Conservatoire de Paris. Ses professeurs sont prestigieux : Théodore Dubois, puis Albert Lavignac, qui fut le professeur de Debussy, Vincent d’Indy, Jules Massenet, Gabriel Fauré. Après plusieurs tentatives, il obtient le Prix de Rome en 1900 pour sa cantate Sémiramis. Il passe trois années à la Villa Médicis, compose, conforte ses amitiés. Il rentre en France, s’installe à Saint-Cloud et se marie en 1905.

Il livre en 1907 sa Tragédie de Salomé, sur un poème de Robert d’Humières. Dans un article qu’il consacre au compositeur dans l’Art libre de mai 1921, intitulé Un grand musicien Français : Florent Schmitt , Georges Chennevière exprime toute son admiration pour cette version si particulière de la tragédie, qui,« créée sous sa forme chorégraphique par Loïe Fuller, le 9 novembre 1907, au Théâtre des Arts, réalisée depuis avec des mises en scène différentes par Natacha Trouhanowa au Châtelet, aux Ballets Russes par Thamar Karsavina, puis à l’Opéra par Ida Rubinstein, est chaude, riche, étincelante, parfumée, comme les voiles de l’héroïne. Elle dessine autour de la terrible légende un troublant commentaire, et l’enveloppe d’une atmosphère orageuse qui renforce l’émotion et recule la perspective. Je pense plus spécialement au prélude où s’alanguit voluptueusement le thème de Salomé devant les terrasses léchées par le crépuscule, aux « enchantements de la mer », d’où surgit, comme une tentation, la voix luxurieuse du vieux péché, et à la « Danse de l’effroi » qui précipite les monts, les eaux et les hommes dans une sorte de délire infernal. »

Ce « délire infernal » est-il de la même veine inspiratrice que celui du Sacre du printemps de Stravinsky, son ami ? Quoiqu’il en soit, lors de la représentation du Sacre au Théâtre des Champs en 1913, perturbée par un public déchainé, Florent Schmitt prend vigoureusement la défense de Stravinsky. Léon Vallas raconte cet épisode avec humour dans une Causerie radiophonique du 26 octobre 1950. L’humour ravageur, la rudesse de Florent Schmitt lui valent le surnom de « sanglier des Ardennes ».

Comment Florent Schmitt devient-il directeur du Conservatoire de Lyon en 1921 ? En voici les raisons, selon Léon Vallas, qui raconte dans une
Causerie du 19 octobre 1950 l’arrivée de Florent Schmitt à Lyon :

« Lorsque, après vingt ans de service comme directeur du Conservatoire, feu Augustin Savard fut invité à prendre prématurément sa retraite, la ville de Lyon chercha un musicien célèbre pour prendre le titre, sinon les fonctions, de directeur de l’Ecole nationale de musique. On fit le tour des grands hommes de l’époque : Maurice Ravel, Albert Roussel, Florent Schmitt ; les deux premiers déclinèrent un honneur qui les aurait éloignés de Paris ; Florent Schmitt accepta sous la condition de pouvoir chaque semaine aller prendre contact avec la capitale. Il débarqua à Lyon le 15 décembre 1921. »

Mais Florent Schmitt abandonne cette fonction lyonnaise en 1924, afin de poursuivre à temps plein sa carrière musicale.

A la Libération, Florent Schmitt est arrêté à la demande du chef d’orchestre François-Joseph Szyfer, du Comité d’épuration, poursuivi pour indignité nationale. Il est condamné à un an d’interdiction d’éditer et de faire représenter sa musique. Pierre Baltassat, président de la Société de Musique de Chambre de Lyon, auteur d’un article intitulé Florent Schmitt, directeur du conservatoire de Lyon de 1921 à 1924 nous explique pourquoi.

« En 1933, le 26 novembre, lors de la représentation du Lac d’argent de Jurt Weil à la salle Pleyel, Schmitt, profondément irrité par cette musique qu’il ne comprend pas, se lève et crie « Heil Hitler ! », ajoutant même d’après le journaliste Paul Achard : « Nous avons suffisamment de mauvais musiciens en France sans qu’on nous envoie tous les juifs d’Allemagne ! ». Les onze années qui suivent aggravent son cas et laissent planer le doute sur sa compromission antisémite avec l’Allemagne nazie. Membre du Comité France-Allemagne dès sa création en 1935, il accepte la co-présidence d’honneur de la Section musicale du Groupe Collaboration en décembre 1941, peu de temps après un voyage à Vienne de musiciens français organisé par Joseph Goebbels pour les célébrations du 150e anniversaire de la mort de Mozart… Pendant le reste de la guerre, Florent Schmitt, probablement rappelé aux réalités du conflit, ne montre plus aucun enthousiasme pour la collaboration. Courageusement, il signe des pétitions en faveur de musiciens juifs… défend et soutient les musiques de Paul Dukas, Alexandre Tansman, Arnold Schönberg… L’enquête apportant la preuve que Schmitt s’est toujours positionné d’un point de vue musical, les poursuites sont classées sans suite. »

Entre 1944 et sa disparition en 1958, Florent Schmitt compose encore : un Trio pour cordes (1946), un Quatuor (1949), une Messe op 138 (1958).

On trouve dans les collections de la BML une vingtaine d’enregistrements des œuvres de ce compositeur mal connu du grand public.