Robert Proton de la Chapelle (1894-1982)
Si l’on réduit la carrière aux simples réussites professionnelles, Robert Proton de la Chapelle est un industriel lyonnais accompli. Issu de la bourgeoisie lyonnaise, il épouse en 1921, après sept années de service dans l’armée [1], Marie-Louise Deloule, fille d’un entrepreneur spécialisé dans la fabrication de pompes hydrauliques. Il œuvre alors au côté de son beau-père au développement de l’entreprise familiale ; avec succès. Il assume au cours de son parcours professionnel différentes fonctions au sein de syndicats patronaux. Il est notamment l’initiateur du premier syndicat européen des fabricants de pompes. Il est également Trésorier de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon durant les années 1950.
Mais Robert Proton de la Chapelle est avant tout un passionné de musique, à la fois musicologue, compositeur, et animateur de la vie musicale et plus généralement culturelle, locale. Et c’est bien la musique qui guidera toute sa vie.
Très jeune, ses parents l’initient au piano. Il apprend ensuite à jouer de l’orgue. Ses talents précoces en font à 16 ans le remplaçant d’Edouard Commette sur l’instrument de l’église Saint-Jean, puis le titulaire de l’orgue de l’église Saint-Polycarpe à 18 ans. A son retour de la guerre de 1914-1918, il compose sous le pseudonyme de Robert de Fragny de nombreuses partitions : deux ballets (Clio en 1927 et Atterrissage en 1961), deux opérettes (Six cylindres et un cœur créée au Casino-Kursaal en 1929 et Cavalcade donnée à l’Opéra de Lyon en 1975), un conte musical pour enfants (Jacky et Mado, 1933), deux messes (1936-1938) , des musiques de scène, entres autres pour Jedermann d’Hugo von Hofmannsthal en collaboration avec Ennemond Trillat (1951) et pour Jeanne d’Arc de Charles Péguy (1954), une Rapsodie Psaume pour soprano, chœur et orchestre (1858) et un opéra, Pourpre impériale, sur un livret d’Amable Audin, dont la création a lieu lors du festival de Lyon-Fourvière en 1965.
En tant que critique musical, et toujours sous le pseudonyme de Robert de Fragny, Robert Proton de la Chapelle écrit dans le journal Le Nouvelliste à partir de 1924 et ce jusqu’en 1944, puis dans l’Echo du Sud-Est après 1947. Il y exprime avec un regard d’expert ses idées sur la musique et donne ses appréciations parfois sévères mais toujours de façon juste et pondérée. Il est aussi l’auteur de deux biographies, celle du musicien Maurice Ravel dont il était très proche et celle de la cantatrice chère aux Lyonnais, Ninon Vallin, mais également trois romans : Sur le chemin de Salzbourg (1939), Ruisseau de feu (1948) et Appassionata (1976) et un essai en guise de testament : Cinquante ans de vie culturelle à Lyon (1982).
Robert Proton de la Chapelle est, entre les années 1930 et les années 1970, au cœur de la vie culturelle de Lyon. Grâce et au service de la musique, il met en connivence différents réseaux de sociabilité : économiques (métallurgie, banque), culturels et politiques. L’industriel mélomane tient alors une place prépondérante dans le développement des Arts à Lyon [2]. Il fonde de la revue Résonances (1953) consacrée aux Arts à Lyon, devient président de l’académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, et, toujours très dévoué au genre musical, le directeur artistique de la Société des Grands Concerts (à partir de 1953). Il est encore l’un des principaux animateur puis le directeur du Festival de Lyon.
Son action l’amène à s’impliquer dans la vie municipale à deux reprises. En mai 1941, alors qu’Edouard Herriot est démis de ses mandats, le nouveau maire, Georges Villiers, nomme Proton de la Chapelle adjoint chargé des Beaux-Arts. Il s’attache alors à maintenir le dynamisme de la vie culturelle lyonnaise malgré la défaite et, pour ce faire, fait preuve d’une intense activité. Il nomme Charles Gantillon au Théâtre des Célestins, soutient Roger Lalande et André Cluytens au Grand-Théâtre, crée l’association « Art et Théâtre pour tous » afin d’offrir des places à très bas prix aux ouvriers et aide à la fondation d’un « Cercle d’études musicales ». En décembre 1942, le régime de Vichy procède à une épuration du conseil municipal de Lyon. Robert Proton de la Chapelle fait partie des dix-huit révocations prononcées.
Eloigné des affaires publiques par Edouard Herriot lorsque ce dernier recouvre son fauteuil de maire en 1945, Robert Proton de la Chapelle retrouve le poste d’adjoint aux affaires culturelles en 1965, sous le mandat de Louis Pradel. Il mène de nouveau une politique entreprenante notamment en faveur de la musique, dans un contexte cette fois plus favorable. Il pousse la candidature de Louis Erlo à l’Opéra de Lyon, milite pour l’installation du Conservatoire de Lyon sur la Colline de Fourvière dans des bâtiments achetés aux jésuites, obtient la création du premier orchestre symphonique régional qui deviendra l’Orchestre national de Lyon (à la tête duquel il nomme Serge Baudo) en remplaçant de l’orchestre de la Radio lyonnaise supprimé par l’ORTF, il obtient l’installation d’un Conservatoire national supérieur à Lyon et lance, enfin, la construction d’une nouvelle grande salle : l’Auditorium Maurice Ravel (1975).
Notes
[1] Robert Proton de la Chapelle « s’engagea en 1913 pour être affecté dans une musique militaire dont il devint bientôt sous-chef. La guerre de 1914-1918 le vit brancardier à travers les tranchées. Gazé en 1916, bléssé, décoré deux fois, cité à l’ordre de l’armée, il ne revint qu’en 1920 à l’âge de 26 ans. » Bernard Mora In. Bulletin municipal officiel n] 5587 du 23 mai 2005.
[2] Pauline Alessandra, Robert Proton de la Chapelle (1894 – 1982) : biographie d’un lyonnais entre traditions et modernités, Lyon, École Normale Supérieure de Lyon, mémoire de Master 2 en Histoire contemporaine, 2014