AIRS DU TEMPS
Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon (1905-1957)

Sacha Sarkoff (1895- ?)

Alexandre Sarkoff, dit Sacha Sarkoff, est un danseur d’origine russe. Il est premier danseur au Grand-Théâtre de Lyon durant cinq saisons. Il y cumule par deux fois le rôle de maître de ballet. Sacha Sarkoff transforme en profondeur à Lyon la pratique et le langage du ballet, inspiré par les Ballets Russes, Fokine, les époux Sakharoff… Quoique brefs, ses passages marquent les esprits.

« Enfin Sarkoff revint ! Son nom hantait depuis cinq ans les entretiens des habitués. On parlait du ballet de Mârouf et aussitôt s’évoquait à la pensée le bond fulgurant par quoi Sarkoff, s’élevant du plateau jusqu’au sommet de l’escalier de dix marches, donnait le signal de cette orgie chorégraphique. On voit qu’à l’image ancienne, une nouvelle image vient de s’associer : l’éblouissante entrée du danseur dans le Spectre de la rose, les deux grands jetés avec lesquels il traverse la scène. Et maintenant, chaque soir ou presque, d’autres images vont naître, aussi harmonieuses, aussi pures, aussi rares. Les fervents du ballet peuvent être satisfaits. » (Le Progrès, 17 octobre 1928)

La documentation sur Sacha Sarkoff manque, nous avons peu de renseignements sur sa jeunesse, nous ne savons rien sur la fin de sa vie. Il est né en Ukraine, probablement vers 1895. Sa famille s’installe en Belgique avant la première guerre mondiale ; on sait qu’il est danseur à Bruxelles en 1915. Il est alors l’élève, en compagnie de Tylda Amand, de Louis Engels, chef de danse au Palais de Glace et au Théâtre royal des galeries Saint-Hubert.

En 1918, il s’engage au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. C’est là qu’il se fait véritablement remarquer, notamment en jouant Mârouf en 1919. Le grand quotidien des spectacles Comoedia voit en lui un artiste prometteur. D’autres journalistes, comme Herman Grégoire, s’émerveillent :

« Un bond prodigieux a jeté Sarkoff sur la scène qui s’émerveille. Qu’il est beau ! Un jeu précieux de leviers maintient l’élan des muscles. Il est inconstant ! Il est félin ! Il est beau ! Il tourne, s’enlève, s’échappe et ramène, à son appel hautain, un troupeau soumis de petites danseuses. Comme elles sont petites, à côté de lui !
Il danse ! Et sa danse ne signifie rien, sinon qu’il est harmonieux et beau ; que tous ses gestes sont admirables.

Force pure et souple qui coule dans les muscles ! Force inutile ? Mais qui donc voudrait la détourner de son but : rendre léger et puissant le corps qu’elle anime ?
A quoi bon traduire ? A quoi bon imiter ? Est-ce qu’on interprète la Nature, quand on est la Nature elle-même ?
 » (L’éventail, 30 novembre 1919)

Il quitte Bruxelles pour Lyon en 1921 où il est dirigé par Jean Soyer de Tondeur. Une saison ! C’est le début d’un périple qui le mène à Bordeaux (1922-1924), Mulhouse (1924-1927), Marseille (1927) où il retrouve Jean Soyer de Tondeur, Lyon de retour (1928), Biarritz, le temps d’un été (1929), puis Lyon de nouveau (1929-1931). A chaque fois, il danse avec sa compagne Tylda Amand puis après 1924, avec son épouse et complice de scène, Lya Maritza. Il retourne en Belgique en 1931, au Théâtre royal français de Gand. Les Ballets Sarkoff sont alors au sommet de leur gloire.

Le Théâtre royal français de Gand est fermé en 1940 durant l’occupation de la Belgique. C’est alors que nous perdons la trace de Sacha Sarkoff. Victime du conflit ? Retour à l’anonymat ? De nombreuses questions restent encore en suspens.