Le Grand-Théâtre
Dates et adresse
De 1831 à ce jour.
Le Grand-Théâtre est situé place de la Comédie, à l’emplacement du Théâtre Soufflot (1756-1826) 69001 Lyon.
Capacité approximative
En 1908 : environ mille huit cent places prévues, 2100 en pratique (parterre : 497, première galerie : 358, deuxième galerie : 233, troisième galerie 277, quatrième galerie : 500).
Genres musicaux représentés dans ce lieu
Selon le cahier des charge de 1905, le répertoire « se compose des opéras, drames lyriques, opéras comiques, traductions et ballets et, d’une manière générale des œuvres représentées à l’Opéra et à l’Opéra-comique de Paris ». Le répertoire du Grand-Théâtre évolue peu jusqu’en 1949, époque où il se recentre sur le lyrique et la danse. Durant les années de guerre et épisodiquement à la fin des années 1920, des projections cinématographiques sont accompagnées par l’orchestre. De nombreux succès sont projetés entre 1926 et 1934 comme Ben Hur, Napoléon à Sainte-Hélène ou M le maudit.
- Gaston Ravel, Madame Recamier, photographie parue dans La Petite illustration, 1928, BML. Le film réalisé en 1927 d’après la biographie d’Edouard Herriot a été projeté au Grand-Théâtre en clôture de la saison 1928.
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Histoire du lieu
En 1687, est créée à Lyon l’Académie royale de musique qui occupe, au fil des XVIIe et XVIIIe siècles, différentes salles. Elle a l’exclusivité de l’exploitation des opéras. Cependant le public ne répond pas. En 1754, le consulat de Lyon (institution qui détient le pouvoir municipal à Lyon entre 1320 et 1790) confie à Soufflot, architecte de l’Hôtel-Dieu à Lyon et du Panthéon à Paris, le projet d’un théâtre permanent à l’emplacement des jardins de l’Hôtel de Ville : c’est le théâtre du quartier Saint-Clair. Il est inspiré des théâtres de Parme et Milan et de celui de Vicence : soit un théâtre à l’italienne. Quelques innovations techniques : la scène est légèrement inclinée en direction des spectateurs et la machinerie se tient en sous-sol. Le Théâtre Soufflot est inauguré en 1756. Le lieu devient rapidement à la mode ; un quatrième rang de loges est ajouté en 1788.
Durant la Révolution française, le Grand-Théâtre est fermé puis occupé par le Club des Jacobins. Il est vendu comme bien national en 1796. La ville décide, en 1825, de le racheter et prévoit de l’agrandir. Sur ces entrefaites, le Théâtre Soufflot est détruit en 1826 par un incendie. Il est reconstruit à grand coût, entre 1827 et 1831, par les architectes Antoine-Marie Chenavard et Jean Pollet. La façade est néo-classique, alors que la salle est décorée à l’antique. Le parterre comporte des sièges, contrairement à l’ancien théâtre où les spectateurs étaient debout. Sa capacité d’accueil est de mille huit cents places. De nombreux travaux d’agrandissement, de consolidation (notamment des plafonds et de la toiture) et d’embellissement ont lieu jusqu’en 1879.
Durant toute cette période, on constate une grande instabilité des directeurs auxquels la gestion du théâtre est concédée par contrat (pour une ou plusieurs saisons) – certains même ne finissant pas la saison. Ils ont cherché, pour la plupart, à remplir la salle par tous les moyens, telles des programmations accrocheuses, mais ils se sont heurtés à un public intransigeant. C’est l’époque de la règle des « trois débuts ». Selon cette règle typiquement lyonnaise, un artiste choisi par le directeur ne pouvait être admis à figurer dans la troupe qu’après trois apparitions dans trois ouvrages successifs ; et le jour du troisième début c’est le public qui décide de son engagement en sifflant ou en applaudissant.
Qui l’utilisait (qui programmait) ?
Le Grand-Théâtre a connu deux modes de gestion : la régie directe et la concession. Entre 1905 et 1957, les théâtres municipaux font l’objet de deux tentatives de régie directe, la première entre 1902 et 1906 et la seconde entre 1942 et 1945. Ce sont deux périodes où Edouard Herriot n’était pas décisionnaire. Le maire de Lyon a toujours privilégié la gestion par concession. L’exploitation est confiée par contrat à un impresario qui verse un cautionnement au Crédit municipal en échange d’une subvention pour payer les musiciens, choristes, techniciens…. Il est responsable artistiquement et financièrement.
Les principaux directeurs
On remarque la même instabilité chez les directeurs qu’au cours des siècles précédents. Douze directeurs différents se sont succédés en cinquante ans :
Flon et Landouzy (1906-1909), Gaston Beyle (1912-1915), Charles Montcharmont (1920-1927), Henri Valcourt (1909-1912 et 1928-1932), Maurice Carrié (1932-1940 et 1944-1946), Roger Lalande (1942-1944), Camille Boucoiran (1940-1941 et 1947-1949), Paul Camerlo (1949-1969).
Les directeurs concessionnaires successifs étant toujours intéressés, en premier, par la possibilité de rentrer dans leur frais, privilégient des spectacles faisant « recette ». La programmation lyrique durant les mandats d’Edouard Herriot s’avère ainsi peu novatrice, ni audacieuse, ni originale. Ce sont essentiellement les classiques du XIXe siècle qui sont rabâchés : Wagner, Massenet, Gounod, Bizet (Carmen), Meyerbeer (Les Huguenots), Reyer… Les décors et les costumes sont réutilisés à loisir. Et toutes les tentatives de modernisation du répertoire reçoivent un accueil mitigé.
L’entre-deux-guerres voit toutefois une renaissance du ballet autour des maîtres Jean Soyer de Tondeur et Sacha Sarkoff, mais surtout d’illustres troupes invitées : les ballets russes, Serge Lifar, Anna Pavlova… La troupe de Michel Fokine menée par Serge de Diaghilev et le couple Nijinski est alors en train de révolutionner le ballet. Elle se produit régulièrement à Lyon en 1913, 1921, 1923, 1927, 1931 et 1935.
L’Opéra est aussi un lieu de mondanités où sont organisés de grands bals comme le bal des étudiants ou diverses soirées proposées par des associations. Une tradition bien vivace jusqu’à la décision du Conseil municipal d’interdire les bals dansants pour raison de sécurité en 1928. Interdiction de courte durée puisque nous trouvons trace de telles soirées dansantes dans les années cinquante.
Les Lyonnais à l’Opéra
Le public de l’Opéra est très divers : à la fois la bonne société lyonnaise (qui avait parfois tendance à fuir le lieu en dehors des soirées de gala) et les classes populaires. Cette diversité est reflétée par le large éventail de tarifs : pas moins de 13 en fonction de la place. Un quart des places est en quatrième galerie c’est-à-dire parmi les moins onéreuses. Mais si différents publics coexistent, ils ne se croisent pas. Des circulations distinctes sont même prévues. Le Grand-Théâtre est un lieu de représentation où la bonne société se rend pour être vue.
Le comportement de ces publics peut être diamétralement opposé. Les fauteuils d’orchestre sont réputés guindés et froids. A l’inverse, les quatrièmes galeries sont régulièrement l’objet de plaintes. Les spectateurs y sont turbulents, dans la tradition du public du XIXème siècle. Ils viennent à l’opéra pour se distraire, et n’hésitent pas à huer, se moquer, manger bruyamment… Les incidents et protestations ne sont pas rares et conduisent régulièrement à l’expulsion des plus récalcitrants.
Il n’en reste pas moins que le public lyonnais, composé en majorité d’amateurs éclairés, est un public exigent. Et lorsqu’il ne se manifeste pas durant les spectacles, c’est par lettre au maire, pétitions, voire affiches qu’il cherche à se faire entendre. Une presse critique souvent acerbe sert alors de relais à leurs revendications.
Personnalités liées à ce lieu
Opéra : Marius Verdier (chanteur) et Louise Janssen (cantatrice), Ninon Vallin (cantatrice), Miguel Villabella (chanteur), François Delmas (chanteur), Pierre Deloger (chanteur, metteur en scène), Antoine Mariotte (compositeur), André Cluytens (chef d’orchestre), Samuel Bovy (chef d’orchestre), Otto Ackermann (chef d’orchestre).
Danse : Soyer de Tondeur (maître de ballet), Sacha Sarkoff (maître de ballet).
Architecture : Giranne. Parmi les travaux effectués au début des années 1920, un intérêt particulier doit être porté à la « scène tournante » imaginée par Giranne en 1905 et réalisée en 1922. Il s’agit d’une scène pivotante partagée en deux par une grande cloison : pendant que les spectateurs suivent le spectacle sur la demi-scène, les machinistes préparent les décors suivants à l’abri des regards.
Quel rapport avec Edouard Herriot ?
Edouard Herriot s’engage dans une politique culturelle susceptible de revaloriser l’image de Lyon. Il souhaite en faire une cité attractive et moderne. Les institutions culturelles comme le Grand-Théâtre permettent alors de valoriser l’image de la ville à l’extérieur. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce type d’institution sert peu la politique d’éducation populaire d’Edouard Herriot.
Ce dernier est souvent accusé d’indifférence envers le Grand-Théâtre ; il est vrai que l’opéra était un genre musical qu’il n’appréciait guère. Il soutient pourtant les travaux coûteux des années 1920 pour modifier la scène, et augmente la subvention municipale. Il n’hésite pas, non plus, à dépenser davantage qu’il ne le souhaite, dans les années 1930, pour renflouer les caisses. Edouard Herriot montre cependant une lassitude liée aux coûts et aux problèmes de fonctionnement (nombreuses grèves du personnel), d’où la valse des directeurs. Le financement des grandes salles interroge par ailleurs les édiles de toutes les grandes villes. Ces dernières se réunissent en 1927, à l’instigation du maire de Marseille, en vue de former un groupe de pression pour obtenir des moyens supplémentaires de la part de l’Etat.
Enfin, la mise en concession ne signifie pas qu’Edouard Herriot se désintéresse de la programmation, laissée à un directeur privé ; elle est étroitement surveillée par une Commission des théâtres municipaux directement rattachée au maire.
Comment a fonctionné ce lieu pendant la Seconde Guerre Mondiale
Le Grand-Théâtre est rouvert dès novembre 1939. La situation financière est difficile et le contexte peu propice à l’épanouissement du théâtre lyrique. Comme toutes les salles, le Grand-Théâtre connaît alors des difficultés à se fournir en matériel (ampoules, chaussons...), voit les artistes bloqués par le réseau ferré, des spectacles arrêtés par les alertes aériennes. Les lois sur le statut des étrangers et des juifs entravent les orchestres et les corps de ballets… Le Grand-Théâtre passe dès 1942 en régie municipale sous la coupe de l’adjoint aux Beaux-Arts, Robert Proton de la Chapelle. Ce dernier installe à la direction Roger Lalande, accompagné d’André Cluytens. Malgré les difficultés, le duo donne des saisons de qualité.
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Album des Frères des Quatrièmes, 91 II 16, AML.
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