Le Palais d’hiver
Nom, adresse
Palais d’hiver
149, boulevard Pommerol, Villeurbanne, entre l’actuel boulevard Stalingrad et les rues Louis-Guérin, Charpenay et Jean-Novel
Dates
19 octobre 1920-8 octobre 1962 (bâtiment de 1908)
8 novembre 1963-9 décembre 1985 (bâtiment reconstruit après l’incendie de 1962)
Capacité
Environ 3000 personnes le jour de l’inauguration en 1920. En 1954, le nombre maximum de spectateurs est fixé à 1270 par la commission de sécurité de Villeurbanne. 1739 spectateurs en février 1957 pour l’émission 36 chandelles. En 1963 (ouverture de la nouvelle salle) : 2500 personnes. Record d’affluence dans les années 60 : Georges Brassens, 4500 personnes
Genres musicaux
Bals, galas, matinées dansantes au son des orchestres du Palais d’hiver ou de formations invitées : fox-trot, tango, boston, charleston et autres flonflons font danser les foules. Pour ponctuer la soirée, on y donne des numéros de music-hall, des « tours de chant » ou des récitals. Vedettes de variété française et grands noms du jazz animent les soirées des années 50. Puis le rock et la pop font résonner le Palais d’hiver au son des musiques amplifiées.
Personnalités liées au lieu
La famille Lamour. Les « Frères Lamour », gérants d’un restaurant de la rue Royale à Lyon, achètent l’ancienne piscine Delange en 1920 pour l’aménager en dancing. Pierre Lamour dirige le Palais d’hiver pendant plus de 30 ans avant de laisser la place à son fils Roger Lamour dans les années 50. Après la mort tragique de ce dernier, accablé par les difficultés accumulées dans la gestion de l’établissement, son fils Pierre-Yves Lamour reprend la direction en 1974.
Rapport avec Edouard Herriot
Il a fréquenté les lieux pour quelques bals, galas ou soirées de bienfaisance placés sous son patronage. Il figure ainsi parmi les personnalités assistant au bal de l’association de la police en mai 1939 aux côtés du préfet du Rhône, du ministre de la justice et du secrétaire général pour la police. Sollicité par les multiples sociétés et corporations lyonnaises qui organisent leur bal annuel, le maire de Lyon se fait le plus souvent représenter par un adjoint ou un conseiller municipal. Il reçoit parfois des courriers de plainte de clients mécontents des débordements et agitations dont le Palais d’hiver est régulièrement le théâtre. Ceux-ci sont soigneusement transférés à la mairie de Villeurbanne dont la commission de sécurité a en charge la surveillance et le contrôle de l’établissement, ce dernier se situant majoritairement sur son territoire.
Historique
Aux origines
Inaugurée en 1908, la Piscine Lyonnaise de Monsieur Delange s’équipe d’une patinoire amovible en 1914. Pendant la Première Guerre mondiale l’établissement fait office de dépôt de vivres et d’hôpital complémentaire. En 1920 les frères Lamour acquièrent l’ancienne piscine fermée par manque de rentabilité et la transforment en salle de bal. Ce nouveau lieu festif prend le nom de « Palais d’hiver ». Il accueillera les bals, banquets et galas organisés par plus de 200 sociétés lyonnaises.
Le monde des bals
Sociétés culturelles, corporations, syndicats, œuvres de charité et associations diverses profitent de l’immense salle du Palais d’hiver et des services offerts par l’équipe de salariés pour l’organisation de leur soirée : orchestre à demeure, suivi des contrats avec les artistes, comptabilité, bar, hôtesses et service de sécurité. Dans les années soixante, le personnel compte plus de 80 employés. Le Palais d’hiver ne fait pas nécessairement payer de location de salle mais touche un pourcentage des entrées et le prix des consommations. Le paiement des vedettes est à la charge de la société organisatrice. Si certains bals affichent un but caritatif, comme le Bal de nuit en octobre 1920 dont les bénéfices sont reversés aux pupilles de la nation, c’est avant tout le moyen pour les associations de générer des revenus pour financer leurs œuvres sociales.
De l’automne au printemps les bals se succèdent à un rythme effréné, répondant à la « dansomanie » qui parcourt la société française dans l’entre-deux guerres : Bal de la muse organisé par l’union des sociétés musicales de Lyon, Bal des officiers de réserve, Bal de la chorale Lugdunum, Bals des artistes, de l’école vétérinaire, de la presse, de la publicité, des étudiants, de l’épicerie lyonnaise, de la police, des humoristes, fête syndicale des boulangers de Lyon… Si certains bals corporatistes sont réservés à leurs membres, la plupart sont ouverts à tout public avec paiement de l’entrée. Les bals chics exigent une tenue de soirée. D’autres annoncent une ambiance joyeuse et décontractée. Certains sont annoncés par voie de presse des semaines à l’avance et promettent un déluge d’animations en tout genre destinées à enchanter les convives. La « Nuit à Broadway » du Bal de la presse de 1938 en est un bon exemple.
Au son de l’orchestre
Pas de bal réussi sans un orchestre capable de jouer les dernières musiques à la mode. L’orchestre du « Maestro Roch » fait partie des piliers du Palais d’hiver dans les années trente, à côté de formations invitées comme l’orchestre Nax-Fervy’s qui propose des danses « non encore éditées ». Dans les années cinquante, Fred Adison, l’Orchestre Marcel Pouzet ou encore Tomas et ses Merry Boys donnent le ton.
A côté des danses pratiquées jusque-là en Europe (valse, polka, mazurka, boston), les années folles voient l’arrivée dans l’hexagone de danses nouvelles en provenance des Amériques : fox-trot, shimmy, charleston des Etats-Unis, tango et samba d’Argentine et du Brésil, biguine des Caraïbes décomplexent les corps sur les pistes des dancings et électrisent les bals. La musique jazz fait progressivement son entrée dans le répertoire des orchestres. Dans le même temps, les galas de bienfaisance ou les bals chics proposent des tours de chant de ténors du Grand-Théâtre et des démonstrations de danse du corps de ballet.
Music-hall et variétés
L’un des éléments qui caractérisent ces soirées festives sont les attractions programmées par le Palais d’hiver avant ou entre les moments de danse. Chanteurs, acrobates, danseurs, illusionnistes et autres artistes de music-hall proposent leurs numéros aux invités attablés dans la grande salle, dont les tables emplissent la majorité de l’espace en début de soirée. Les annonces faites dans la presse laissent souvent planer le mystère sur les animations prévues, promettant des « attractions de premier ordre » et des « surprises féériques » saluées ensuite dans les comptes rendus des chroniqueurs mondains.
Matchs de boxe et meetings
A côté des bals et matinées dansantes, le Palais d’hiver accueille diverses manifestations : réunions politiques comme le 8ème congrès national du Parti communiste en janvier 1936, rassemblement régional des anciens combattants en janvier 1939, arbres de Noël, ainsi que des évènements sportifs à partir des années trente, essentiellement des matchs de boxe.
Seconde Guerre mondiale
Les bals sont interdits par le gouvernement français dès le début de la guerre. Le Palais d’hiver continue d’accueillir quelques évènements sportifs comme des galas de boxe organisés par le Boxing Club Villeurbannais ou le Championnat de France de Rink-Hockey (hockey sur patin) jusqu’en 1942. Après l’invasion de la zone sud en novembre 1942, l’établissement est alors réquisitionné par l’armée d’occupation qui l’utilise comme lieu de festivités pour soldats. En décembre 1942, l’Office de placement allemand y organise une matinée récréative pour les enfants dont le père est parti travailler en Allemagne. Les assemblées constitutives de la Milice française pour le département du Rhône s’y déroulent en février et mars 1943, tandis qu’en juillet le consul d’Espagne y reçoit ses compatriotes pour la fête nationale espagnole. Au Lido, club privé jouxtant le Palais d’hiver, Pierre Lamour organise des soirées festives sous couvert de cours de danse.
Le Palais d’hiver après-guerre : « Ni salle de bal, ni music-hall, le Palais d’Hiver sera tout simplement la plus grande salle de spectacle de France ! »
Cette phrase attribuée à Pierre Lamour révèle le chemin suivi par le Palais d’hiver après-guerre. A la Libération, l’armée américaine succède aux Allemands. Puis les activités reprennent de plus belle : « La guerre du jazz » en octobre 1945, le « Grand bal de la ville dorée » en novembre… bals et galas de bienfaisance se succèdent au profit des orphelins, veuves de guerre et anciens combattants.
Dans les années 50 la salle se modernise sous l’impulsion de Roger Lamour, qui succède à son père à la direction du Palais d’Hiver. La communication de l’établissement, jusqu’alors centrée sur les animations de music-hall, met l’accent sur les vedettes de la variété française et internationale qui deviennent l’attraction principale de ces soirées dansantes. Le programme du premier trimestre 1955 en est un bon exemple : Tino Rossi chante au Grand bal des provinces françaises, Charles Trenet au Bal de la Publicité, Gilbert Bécaud au Bal des journalistes, Eddie Constantine au Bal des sociétés musicales, Sidney Bechet au Bal du papier avec Catherine Sauvage et Jacques Brel… Sur les annonces publiées dans la presse le nom des artistes invités remplace peu à peu celui des bals.
Évènements marquants des années cinquante, les marathons de danse programmés par le Palais d’Hiver laissent les participants éreintés après des centaines d’heures passées sur la piste. Une pratique qui sera finalement abandonnée car trop dangereuse pour la santé des danseurs. En 1957, la salle accueille l’émission 36 Chandelles de Jean Nohain. Diffusée en direct, l’émission commence avec plus d’une heure de retard en présence d’un public déchaîné. Le 8 octobre 1962, la salle est détruite dans un incendie.
Le nouveau Palais d’Hiver
Reconstruite et agrandie en 1963, elle se veut plus grande salle de music-hall d’Europe, passage obligé pour de nombreux groupes et chanteurs : Jacques Brel, Barbara, Georges Brassens, Johnny Hallyday, les Beatles, les Rolling Stones, Antoine… Mais les conditions pratiquées par les tourneurs et la concurrence des autres salles de l’agglomération rendent la gestion de l’établissement difficile. La venue d’un public jeune et plus turbulent fait fuir des sociétés corporatistes qui choisissent d’organiser leurs soirées dans d’autres lieux. En 1971, un changement d’application de la TVA désavantage les associations organisatrices de bals et de galas, qui en étaient jusqu’alors exonérées. Le Palais d’hiver tente de trouver un nouvel équilibre financier et après le décès de Pierre-Yves Lamour en 1981, le Palais d’hiver continue d’accueillir des concerts jusqu’en 1985. Le bâtiment est démoli à la fin de l’été 1988 pour être remplacé par un immeuble de bureaux.
Sources
Les documents exposés proviennent de la Bibliothèque municipale de Lyon, des Archives municipales de Villeurbanne / Le Rize et de Martin Pénet
Livres
Le Palais d’hiver, l’envers du décor, Pierre Peyroche, 2006
Le Palais d’hiver : histoire du plus grand music-hall d’Europe, photogr. Mario Gurrieri ; scénario original Patrick Savey, 2000
Fonds d’archives
Archives municipales de Villeurbanne / Rize : Fonds de la chorale Lugdunum, 6Z7-6Z8. Palais d’hiver, dossier de la commission municipale de sécurité, 1J13
Dans la Presse :
Le Salut public, consultable en ligne sur Lectura plus
Les Arts à Lyon
Reflets de la vie lyonnaise et du Sud-Est