AIRS DU TEMPS
Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon (1905-1957)

Le Théâtre des Célestins

Adresse

4 Rue Charles Dullin, 69002 Lyon

Dates

9 avril 1792 à aujourd’hui

Capacité approximative

Depuis 1877 et le projet de Gaspard André, salle à l’italienne de 1450 places

Genres musicaux représentés dans ce lieu

Le cahier des charges inclut le drame, la tragédie, la comédie, le vaudeville, l’opérette, la féerie, l’opéra-bouffe, les pièces à spectacle. En 1936 sont ajoutés la revue et le music-hall.

Qui l’utilisait (qui programmait) ?

- Charles Moncharmont (1906-1941). Sa direction marque une rupture avec l’image populaire du Théâtre des Célestins de la deuxième moitié du 19ème siècle. Il va créer à Lyon plus de cinquante pièces, comédies et opérettes. Il présente chaque saison des revues. Il crée des « Matinées classiques et des samedis littéraires ». Il monte la Compagnie d’opérettes nouvelles qui donne des spectacles dans l’Europe entière. Il importe à Lyon l’opérette viennoise.

- Charles Gantillon. Il succède en 1941 à Charles Moncharmont à la direction du Théâtre jusqu’en 1967. Il sait incarner le théâtre tel que le souhaite un public peu porté à l’aventure mais d’un goût honnête, sensible aux succès parisiens exportés en province et à leurs vedettes en tournée. Il fonde une compagnie permanente de théâtre : la Comédie de Lyon. Il met en place un système d’abonnement préférentiel en direction des jeunes dont la réussite lui vaut d’être décoré de la Légion d’Honneur en 1952 par Edouard Herriot.

Personnalités liées à ce lieu

De grands artistes du Music-Hall se sont produits sur la scène du Théâtre des Célestins notamment :

  • Loïe Fuller (1862-1928), danseuse, pionnière de la danse moderne
  • Maurice Chevalier (1888-1972), chanteur, acteur
  • Joséphine Baker (1906-1975), chanteuse, danseuse, actrice, meneuse de revue
  • Mistinguett (1875-1956), chanteuse, actrice, meneuse de revue

Quel rapport avec Edouard Herriot ?

Edouard Herriot s’engage dans une politique culturelle susceptible de revaloriser l’image de Lyon. Il souhaite en faire une ville attractive et moderne. Les institutions culturelles servent alors à valoriser l’image de la Ville à l’extérieur. Edouard Herriot choisit ses directeurs en suivant les conseils des grands noms du théâtre : Edmond Rostand pour Charles Moncharmont, et Gaston Baty pour Charles Gantillon, dans l’espoir de mener à chaque fois une politique ambitieuse. Moncharmont et Gantillon réalisent d’ailleurs très bien leurs objectifs en faisant des Célestins une place forte de la scène théâtrale, un lieu qui compte, où se jouent de nombreuses premières nationales. Alors que le Grand-Théâtre est l’objet de préoccupations et d’une valse des directeurs, Herriot semble satisfait du travail que proposent les directeurs du Théâtre des Célestins. Il laisse ainsi Charles Moncharmont durant 35 ans à la manœuvre, et lui offre même entre 1920 et 1927 une double direction, Célestins et Grand-Théâtre. Charles Gantillon dispose de la même confiance. Cette confiance, dans l’un et l’autre cas, n’est cependant pas un blanc-seing. Le cahier des charges de la concession est âprement discuté et la Commission des théâtres veille au plus haut point sur la programmation.

Histoire du lieu

En 1789, l’architecte Jean-François Colson édifie un premier théâtre doté d’une façade avec fronton et pilastres ioniques sur les terrains de l’ancien claustral des Célestins. Le Théâtre est inauguré en 1792 portant d’abord le nom d’Ecole des mœurs républicaines, puis celui de Théâtre des Variétés, avant de prendre définitivement le titre de Théâtre des Célestins.

Le théâtre change plusieurs fois de propriétaire avant d’être acheté par la Ville en 1838 qui veut en faire le second grand théâtre de Lyon. Le Grand-Théâtre étant réservé aux grands genres, le Théâtre des Célestins est consacré au divertissement. La programmation efficace en fait rapidement une scène reconnue. Mais ce succès subit une éclipse à la fin du XIXe siècle : les directeurs se succèdent et le public déserte la salle. On songe un moment à fermer le théâtre...

De plus, deux incendies vont considérablement affecter le devenir de la salle en 1871 et en 1880. Par deux fois le théâtre est reconstruit sur des plans de Gaspard André. Il rouvre sous sa forme définitive en 1881. En ce qui concerne l’architecture, un nouveau plafond illustre la comédie, peint sur des panneaux de cuivre par Joanny Domer, décorant aussi le foyer du public. La statue dans le vestibule est du sculpteur Jean-André Delorme (1829-1905). Sur la façade sont reinstallées la tragédie et la comédie, auxquelles sont ajoutés les bustes de Victor Hugo représentant le drame, d’Alfred de Musset évoquant la comédie, d’Eugène Scribe le vaudeville. Ces bustes sont réalisés par Etienne Pagny. En septembre 1888, le gaz d’éclairage est remplacé par l’électricité.

Le Théâtre des Célestins 1905-1957

Durant les mandats d’Edouard Herriot, deux directeurs se succèdent à la tête du Théâtre des Célestins : Charles Moncharmont, nommé en 1906 et Charles Gantillon nommé en 1941 suite au décès du premier. Ils représentent chacun deux époques et deux approches du théâtre très différentes.

1. Charles Moncharmont : la parenthèse musicale

A l’arrivée de Charles Moncharmont, en 1906, le Théâtre des Célestins sort d’un bref épisode de régie directe par la mairie et d’une succession de directeurs depuis la fin du XIXe siècle, tous décriés pour leur gestion calamiteuse et l’indigence de leur programmation. Moncharmont, Lyonnais d’origine, impresario et acteur au Théâtre du Vaudeville à Paris, pérennise les Célestins en révolutionnant et dépoussiérant le répertoire. Il en fait un théâtre de divertissement dont le registre est axé sur le vaudeville, le mélodrame, les pièces à spectacles, les opérettes et les revues de fantaisie comme la plupart des théâtres en France et surtout parisiens au début du XXème siècle. C’est plus particulièrement ces 35 ans de direction Moncharmont qui légitiment la mention du Théâtre des Célestins dans un panorama de la vie musicale lyonnaise.
Entre 1906 et le milieu des années 1920, le Théâtre des Célestins devient une place forte de la programmation musicale de la ville. La moitié des spectacles relève alors de genres légers et populaires où dominent la musique, le chant, la danse. Rappelons que les théâtres publics lyonnais sont en concession et que les directeurs soucieux de rentabilité sont tentés de mettre en avant les spectacles les plus attractifs, de suivre les modes. D‘autres part, Charles Moncharmont est l’impresario de la Compagnie d’opérettes nouvelles qui emploie soixante-quinze personnes, artistes, chœurs et ballets, et utilise sept cents costumes neufs et vingt décors… Il faut bien les faire jouer ! Charles Moncharmont n’a de cesse d’élargir le spectre des genres représentés aux Célestins, sollicitant à de multiples reprises la Mairie pour étendre le répertoire aux revues et au music-hall ; ce qui lui est accordé non sans réticences en 1936. La concurrence avec le Casino et autres salles de café-concert est féroce comme en témoignent les courriers adressés à la Mairie par Charles Moncharmont et Edouard Rasimi, avec Edouard Herriot comme arbitre. Toutes les grandes étoiles parisiennes viennent se produire indifféremment dans l’une ou l’autre salle : Joséphine Baker, Mistinguett, Maurice Chevalier….

2. En diminuant le chant jusqu’à son extinction complète

Les spectacles musicaux gardent une place importante jusqu’après-guerre – ils représentent environ 1/3 des spectacles annuels – avant de décliner à la fin des années 1940. Charles Gantillon, successeur de Moncharmont, appartient à une génération différente, celle des promoteurs d’un théâtre nouveau, militant, dramatique comme Jean Vilar, Roger Planchon, Jean Dasté… Charles Gantillon va remettre progressivement le genre dramatique au cœur de la programmation des Célestins. Sur les 52 pièces qu’il monte à Lyon, seulement 5 sont des opéras ou opérettes, toutes montées au lendemain de la guerre, en 1946-1947. Ensuite les spectacles musicaux sont de moins en moins nombreux ; les opérettes disparaissent des programmations. Ponctuellement les grandes vedettes de la chanson viennent aux Célestins présenter leur tour de chant : par exemple Léo Ferré, Edith Piaf. On note aussi plusieurs revues ou spectacles de music-hall. Mais à cette époque, la définition du théâtre dans les grands établissements publics se resserre, reléguant l’opérette et l’opéra-comique des Années folles au rang des arts mineurs.

Le Théâtre des Célestins pendant la guerre

Charles de Moncharmont décède en février 1941, et avec lui disparaît un théâtre de divertissement axé sur le vaudeville, les opérettes, les pièces à spectacles, les revues …
Charles Gantillon, nommé directeur du Théâtre des Célestins donne une place importante à la Comédie de Lyon, dont l’activité est très prolifique durant l’Occupation. Le Théâtre des Célestins devient jusqu’à la Libération (septembre 1944) l’un des principaux centres dramatiques en province où défilent les œuvres et les auteurs les plus chevronnés du moment, depuis Giraudoux jusquà Montherlant. Un tel succès résulte de la politique de décentralisation mais aussi du renouveau théâtral du gouvernement de Vichy dont la création de la Comédie de Lyon en est un parfait exemple. La programmation du Théâtre des Célestins devient essentiellement théâtrale.