Impressions premières
La page en révolution de Gutenberg à 1530

Les repères au sein de la page imprimée

La page des premiers livres imprimés comporte différents éléments qui permettent de structurer le texte afin d’en faciliter la lecture et la compréhension. Hérités des manuscrits médiévaux et majoritairement réalisés à la main dans les premières décennies de l’imprimerie, ils se divisent en deux catégories : les repères figurant dans le texte courant et les repères qui l’entourent.

Les éléments structurant le texte courant

Ils visent à mettre en évidence l’articulation du texte et ses principales divisions. Les trois éléments les plus fréquents et les plus significatifs sont :

Les lettrines

De dimension supérieure au reste du texte, ces lettres, que l’on appelle également initiales, marquent le début d’une section (livre, chapitre…). Dans les premiers livres imprimés, les lettrines sont réalisées à la main. L’imprimeur laisse un espace vide pour le peintre chargé de la décoration du volume : c’est la réserve dans laquelle la lettre à exécuter est généralement imprimée en petite taille (lettre d’attente ; n° 8). Dans de nombreux exemplaires, les lettrines n’ont pas été peintes (n° 7). À partir de la fin du XVe siècle, les lettrines sont de plus en plus fréquemment imprimées. Quel que soit leur mode de réalisation, leur qualité se révèle très variable, des simples lettres (n° 3 ou 45) aux initiales richement ornées comme celles, monumentales et magnifiquement travaillées de la Mer des histoires (n° 18). Les imprimeurs jouent sur la taille des lettrines pour rendre compte de la hiérarchie des sections : de grandes lettrines pour marquer le commencement d’un livre et de plus petites pour les chapitres qui le compose, par exemple (n° 16). La première ligne qui suit la lettrine est très souvent imprimée en capitales (n° 7) ou dans un corps de caractères plus important (n° 42-43) afin d’accentuer la mise en valeur du début de la partie.

Les titres

Indiqués directement ou introduits par les mots « incipit », pour les textes latins, ou « Cy commence », pour les textes en français, ils se détachent plus ou moins nettement du reste du texte. Ils peuvent figurer à la suite des derniers mots de la section précédente, après un espace (n° 41), faire l’objet d’un paragraphe spécifique (n° 14 ou 40), être mis en valeur par des espacements verticaux (n° 10, 13 ou 32). Les titres sont également mis en évidence par leur alignement centré (n° 27) ou par leur impression en lettres capitales (n° 21) ou avec des corps de caractères plus grands (n° 31 ou 50). Dans les livres du XVe et du début du XVIe siècle, il n’est pas rare de trouver un titre en bas de page, coupé de la section qu’il annonce (n° 12 ou 29). Si cette disposition est contraire aux usages typographiques actuels, elle ne choquait nullement à l’époque. Le titre jouait alors un rôle de transition et d’enchaînement : il marquait tout autant la fin de la section précédente que le début de celle qu’il introduisait.

Les pieds de mouche

Dans les premiers livres imprimés, comme dans les manuscrits, le texte forme un flux continu. Les retours à la ligne sont rares : ce sont les pieds de mouche – un C majuscule traversé par une barre verticale – qui signalent, au fil du texte, les paragraphes. D’abord réalisés à la main (n° 25), comme les lettrines, les pieds de mouche sont ensuite imprimés (n° 16 ou 61). Leur forme évolue pour prendre l’aspect du signe de paragraphe tel que nous le connaissons encore aujourd’hui (¶ ; voir n° 46).
La séparation progressive des paragraphes par des retours à la ligne voire des sauts de ligne (n° 15) rend l’usage des pieds de mouche inutile. Ils disparaissent peu à peu au cours du XVIe siècle.

Les éléments entourant le texte courant

Ils permettent de repérer une information dans le texte et facilitent la navigation au sein du livre.

Les titres courants

Placés au-dessus du texte courant, ils donnent des éléments sur le contenu du texte (titre de l’ouvrage ou d’une de ses parties, numéro de livre, de chapitre…) et permettent aux lecteurs de retrouver rapidement un passage. Déjà présents dans les manuscrits médiévaux (n° 2), les titres courants apparaissent progressivement, sous forme imprimée, à partir des années 1480 (n° 8 ou 26). Dans les premiers incunables, c’était au lecteur ou au rubricateur qu’il appartenait d’indiquer les renseignements souhaités (n° 24 ou 51).

La foliotation

Comme les titres courants, elle se développe sous forme imprimée dans les années 1480 et ne devient systématique qu’au début du XVIe siècle. Les numéros des feuillets sont toujours indiqués au recto, le plus souvent en chiffres romains (n° 8 ou 18). La pagination est rare avant les années 1520 (n° 72-73) et ne se généralise, avec l’emploi des chiffres arabes, qu’au milieu du XVIe siècle (n° 66, 71).

Les manchettes

Ces inscriptions imprimées dans les marges latérales du livre sont utilisées pour donner des explications ou des références mais également pour identifier certains passages importants du texte (n° 20). Les manchettes font parfois office de titres de paragraphes (n° 26). Elles facilitent ainsi la recherche des informations principales. Les manicules – signe en forme de main dont l’index est tendu – sont associées aux manchettes, pour augmenter leur effet visuel (n° 27), ou utilisées seules pour attirer l’attention du lecteur sur un passage particulier (n° 20, page de gauche).

Contact

Bibliothèque municipale de Lyon
30 boulevard Vivier-Merle
69431 Lyon Cedex 03
Téléphone 04 78 62 18 00
bm@bm-lyon.fr