Surplomber les siècles : un premier regard
1. Biblia latina dite « Bible de Gutenberg » ou « Bible à 42 lignes »
[Mayence : Johannes Gutenberg, Johannes Fust, vers 1455]
Un cahier de 10 feuillets
Considérée comme le premier livre imprimé en Occident, la Bible dite « de Gutenberg » ou « à 42 lignes » présente le texte de la Vulgate, la traduction latine de la Bible par saint Jérôme (vers 345-420), qui fit référence tout au long du Moyen Age. La mise en page de ce premier incunable reproduit, à s’y méprendre, celle du livre manuscrit : disposition du texte sur deux colonnes, utilisation de caractères gothiques et emploi d’abréviations, impression des intitulés en rouge, initiales peintes. La seule différence importante tient à la justification parfaite du texte à droite, qui ne pouvait être obtenue dans les manuscrits.
Ce cahier est issu d’un exemplaire aujourd’hui conservé à Mons (Belgique). Ses sept premières pages comportent 40 lignes, les suivantes 42. Il fait donc partie des premiers cahiers imprimés par Gutenberg qui augmenta rapidement le nombre de lignes par page pour économiser le papier – la dépense alors la plus importante pour la production d’un livre. Ce changement n’eut toutefois pas de conséquence sur la surface imprimée. En réduisant le corps des caractères, l’imprimeur conserva en effet la même hauteur de texte.
Pour aller plus loin
- CUNNAC, Sandrine. « Les tribulations d’une Bible à 42 lignes ». Gryphe, n° 25, 2015. p. 39-45. Revue consultable à la bibliothèque.
- Interview d’Alexis Jenni, écrivain, lauréat du prix Goncourt 2011, au sujet de ce cahier de la Bible de Gutenberg, qui appartint à son grand-père.
- « Naissance de l’imprimerie » sur le site internet L’aventure du livre, réalisé par la Bibliothèque nationale de France.
2. [Biblia latina]
Milieu ou troisième quart du XIIIe siècle
Manuscrit sur parchemin de 483 feuillets
Ouvertes au même passage – le début du deuxième livre des Chroniques –, cette bible manuscrite du XIIIe siècle et les deux bibles imprimées présentées à la suite permettent de mesurer l’évolution de la mise en page tout autant que ses permanences. Les trois ouvrages ont en commun la densité du texte, sa disposition sur deux colonnes, la présence de titres courants et de repères en marge, l’identification des débuts de livres et de chapitres par des lettrines.
Copié en caractères gothiques, ce manuscrit utilise de nombreuses abréviations et une ponctuation composée de points et de comma ressemblant à des points virgules inversés. Les incipit (ici commence…) et explicit (ici finit…) – tels ceux qui figurent au bas de la page de gauche – sont rubriqués et chaque livre débute par une initiale historiée aux couleurs éclatantes.
Des éléments de décor du manuscrit sont consultables dans Numelyo et dans la Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux.
3. Biblia cu[m] concordantiis ueteris et noui testame[n]ti…
Strasbourg : [Johann Grüninger], 1497
In-folio de 492 feuillets non chiffrés
Imprimé quarante ans après la Bible de Gutenberg, cet incunable conserve une mise en page très proche du manuscrit, comme en témoignent les caractères gothiques et la permanence des abréviations. On retrouve les mêmes signes de ponctuation que dans le manuscrit qui précède, les comma prenant ici la forme de nos deux-points modernes. Les lettres d’attente imprimées sont là pour guider le rubricateur : dans cet exemplaire, celui-ci a réalisé de simples initiales peintes en rouge et des pieds de mouche. À ce stade, le livre imprimé n’a pas encore acquis une autonomie complète par rapport au modèle manuscrit.
4. La Bible en Françoys, Qui est toute la saincte Escriture…
Lyon : imprimé par Nicolas Bacquenois et Jean Pidié pour eux-mêmes, Thibaut Payen et Guillaume Rouillé, 1547
In-folio de 12 feuillets non chiffrés, 260, 46, 75 feuillets chiffrés et 3 feuillets non chiffrés
Dans les années 1530-1540, la page imprimée trouve sa forme aboutie qui ne varie plus qu’à la marge au cours des siècles suivants. Plus aérée grâce à l’insertion d’espaces autour des titres, cette bible en français ne comporte plus aucun élément manuscrit. Les bois gravés et les lettrines imprimées en noir et blanc ont remplacé les initiales de couleurs. Plus complexe, la typographie joue sur les fontes (italique et romain) et les tailles de caractères. Composée de points, de virgules et de deux-points, la ponctuation se révèle à la fois plus riche et plus moderne.