Message de Christian Delorme

Message de Christian Delorme, président de l’association L’Hospitalité d’Abraham, lors de l’inauguration de l’exposition, le 6 février 2018.

"C’est à un exercice quelque peu étrange qu’il m’a été proposé de me livrer. Je m’adresse donc à vous, par ami interposé, alors que je me trouve pour quelques jours en Jordanie avec un groupe que j’accompagne. Vous voudrez bien me pardonner cette absence et, plus encore peut-être, cette prise de parole !

C’est en tant que président de la petite association lyonnaise L’Hospitalité d’Abraham, créée il y a plus de vingt ans, qu’il m’a été demandé de vous dire quelques mots. La première chose que j’ai envie de vous dire tient dans cette expression que l’on entend souvent dans nos stades : je suis fier d’être lyonnais ! En effet, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de villes de France qui proposent, en cette année 2018, une exposition de la taille et de la qualité de celle qui vous rassemble ce soir, consacrée au Pasteur Martin Luther King Jr, assassiné il y aura cinquante ans le 4 avril prochain !
Celle-ci s’inscrit dans la volonté de nos élus de placer cette année du centenaire de la fin de la Guerre de 14-18 sous le signe de la paix toujours à construire ; elle constitue, également, un élégant « renvoi de politesse » au Pasteur King qui a honoré notre cité de sa visite les 29 et 30 mars 1966. Que soient donc vivement remerciés le maire de Lyon ainsi que ses adjoints, en particulier Jean-Dominique Durand à qui la décision de cette exposition doit beaucoup. Que soient également chaleureusement congratulés les responsables et les équipes de la Bibliothèque Municipale de Lyon, qui se sont jetés dans cette aventure avec talent et enthousiasme !

Ma fierté d’être lyonnais – dont je ne doute pas qu’elle est largement partagée – réside aussi dans le fait que notre ville est porteuse depuis longtemps d’une vraie culture de paix ; qu’il y a dans cette cité un souci de maintenir la concorde par le dialogue et par le refus des extrêmes – sans doute parce que Lyon a été meurtrie, au XVI ème siècle par les Guerres de religion puis, au temps de la Révolution, a vu toute une partie de sa population victime de la Terreur. Il y a quelques années, la Ville de Lyon a choisi d’instituer, au Parc de la Tête d’Or, tout un parcours avec des espaces dédiés aux Droits de l’Homme et aux combattants de la paix, ce dont rend compte d’ailleurs l’exposition. On y trouve de grandes figures universelles... mais point de Lyonnais et de Lyonnaises ! Or ils et elles sont nombreux ceux et celles de notre ville qui ont été des faiseurs de paix, des héros de la liberté, des artisans de justice. Je pense tout particulièrement au Grand Rabbin de Lyon Abraham Bloch, mort en août 1914 sur un champ de bataille alors qu’il secourait spirituellement un soldat catholique. Je pense à l’abbé Laurent Remillieux, dont le frère aîné était mort lui aussi durant la Guerre de 14-18, et qui, ami du prêtre allemand Franz Stock, a été, dès l’entre deux guerres, un des premiers artisans de la réconciliation franco-allemande. Je pense à tous ces « Justes », de toutes appartenances, qui, aux heures noires de l’Occupation et de la Shoah, ont sauvé des Juifs. En un temps où ressurgit de manière conséquente l’antisémitisme, ne conviendrait-il pas qu’un lieu de la ville mette en évidence leurs noms ? Je pense, également, à tous ceux et toutes celles qui, durant la Guerre d’Algérie, se sont solidarisés, la plupart du temps de manière non violente, avec le peuple algérien revendiquant son indépendance.

Les raisons qui ont fait que Martin Luther King Jr a accepté de venir, en 1966, à la rencontre du peuple de Lyon ne sont pas toutes élucidées. Parmi celles qu’on peut évoquer, il y a le fait que, depuis plusieurs décennies, notre ville comptait des partisans de la non violence active. Je peux ainsi citer le Pasteur Roland de Pury et le militant protestant René Nodot, qui font d’ailleurs partie du nombre des « Justes ». Un autre pasteur non-violent, qui avait rencontré Gandhi à Paris en 1931, et qui appartenait au Mouvement International de la Réconciliation comme Martin Luther King Jr, le Pasteur Jacques Martin, a également marqué Lyon de sa présence et était à la Bourse du Travail le 29 mars 1966 aux côtés du Pasteur d’Atlanta, avec notamment Robert Vial et le Pasteur Paul Eberhard. Toujours parmi les pasteurs qui ont exercé un ministère à Lyon et qui appartenaient à ce courant de la non-violence évangélique : le Pasteur Jean Lasserre, lui aussi membre très actif du Mouvement International de la Réconciliation, lui aussi présent à la Bourse du Travail... Ne les oublions pas ! Nourrissons-nous de leur témoignage de vie pour continuer à faire naître une humanité plus humaine, plus fraternelle, rejetant les démons de la guerre comme ceux du racisme !

Même si Lyon a tardé, par rapport à Paris et Marseille, à avoir une large part de sa population qui appartient au « Monde Noir », notre cité a néanmoins bénéficié de la présence en son sein de grandes figures d’origine antillaise ou africaine dont il conviendrait, aussi, de cultiver le souvenir ! Je pense évidemment à l’Antillais Louis Achille, dont un portrait est affiché dans la présente exposition, chantre de la dignité des Noirs aux côtés de Léopold Sédar Senghor et de Aimé Césaire, qui a été de longues années professeur au Lycée du Parc et le fondateur et le dirigeant d’une renommée chorale de Negro Spirituals. Je pense aussi au penseur et acteur de la libération de l’homme opprimé, lui aussi antillais, Frantz Fanon, qui a fait ses études de psychiatrie à Lyon entre 1946 et 1952. Il est connu et célébré dans le monde entier, mais ignoré à Lyon, en particulier en raison d’une mauvaise compréhension de son discours. Seul un mur peint à Vénissieux l’honore. Il faut que nous corrigions cette injustice ! Je pense encore à l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, mort à Lyon en 2006, et au prince camerounais Kum’a Ndumbe III, également écrivain reconnu, qui a enseigné plusieurs années à l’Institut Catholique de Lyon avant de rejoindre son pays où il a une réputation de grand sage. C’est seulement si nous savons faire mémoire de ces hommes qui ont contribué eux aussi à faire de notre ville ce qu’elle est, que nous parviendrons à relever les défis du « vivre ensemble » qui se présentent à nous comme à toutes les grandes cités du monde. Et la visite et l’accueil de Martin Luther King Jr à Lyon font partie de cette mémoire féconde !

L’exposition « Martin Luther King : un rêve brisé ? » a cette ambition : contribuer à faire grandir la culture de la paix dans notre métropole. Elle sera une réussite si vous vous en faites les ambassadeurs, et si vous y amenez le plus de visiteurs possible, en particulier des enfants et des jeunes ! Je vous en remercie."

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