La quête permanente du sacré et de l’absolu
En tant que marxiste je vois le monde sous un angle sacré
Je me considère comme un marxiste au sens premier, et je ne perçois aucune contradiction entre cette vision et le concept fondamental de l’amour chrétien. Le problème naît plutôt de ce fait que l’Église, dans le monde d’aujourd’hui, est essentiellement non chrétienne au sens originel. L’Église répand sans discernement l’idée de l’amour du prochain sans comprendre les raisons de l’amour, ni celles de la haine. Il me semble qu’entre autres droits, l’homme a celui de ne pas être aimé à la légère, il a le droit d’être aimé pour des raisons valables. De même, l’Église connaît la haine, car l’amour est passionné et se charge facilement en haine. C’est pourquoi l’Église nous donne des positions extrêmes, présentées sous forme rhétorique. Et nulle philosophie, nulle action, ne peuvent s’appuyer uniquement sur la rhétorique.
En réalité, il me semble que je suis le moins catholique de tous ceux qui, à ce moment, participent à la culture italienne - je ne viens pas d’un milieu catholique - je n’ai jamais été confirmé. À quatorze ans, je me suis mis à lire Dostoïevski et Shakespeare et je n’ai, depuis, lu aucune œuvre religieuse, si ce n’est purement et simplement l’Évangile. J’aime les habitudes religieuses des paysans, les vêpres et les carillons d’église, mais quel est le rapport entre tout ceci et le catholicisme ? D’ailleurs, c’est l’influence de ces mêmes paysans - mineurs qui menaient des grèves au début de l’après-guerre - qui a fait de moi un communiste et depuis, ma ligne intellectuelle, mes lectures ont été marxistes.
Pierre Paolo Pasolini, "Les Lettres Françaises", 23 Septembre 1965.