À propos

Peintres et Vilains de Maurice Pianzola que Max Schoendorff, fondateur de l’URDLA, citait régulièrement comme appui et modèle à une pratique particulière de l’art imprimé est publié en 1962. Il relate, en mêlant textes anciens, recherches historiques, enquête contemporaine et illustrations, l’alliance des artistes et des manants dans les événements survenus autour de 1525 en France et en Allemagne, connus aujourd’hui sous le nom de Guerre des Paysans. Livre inclassable, Peintres et Vilains est roman d’aventures, enquête policière, autant qu’ouvrage historique, ou essai d’histoire de l’art. La volonté de l’auteur de lever le voile sur cet épisode oublié fait osciller le texte entre analyse politique et épopée fantasmatique, où les artistes (Hans Sebald Beham, Lucas Cranach l’Ancien, Albrecht Dürer, Urs Graf, Hans Holbein le Jeune…) deviennent pleinement des acteurs révolutionnaires, aux côtés des forces opprimées.

Si ce livre a occupé une place importante dans l’univers de Schoendorff, et devient l’étendard de la présente exposition, c’est parce que l’objet lui-même permet de saisir le pouvoir de fascination qu’a exercé l’estampe au fil du temps. Bien que le titre de l’ouvrage désigne les peintres comme protagonistes du récit, Pianzola évoque rarement les oeuvres picturales des artistes étudiés, et bien plus souvent l’essaimage des images qu’ils ont créées par le biais de l’estampe, et leur potentiel subversif. Il rappelle que, dès son apparition au XVe siècle, l’estampe est perçue par les artistes comme un médium leur octroyant une liberté de ton, une indépendance, que ne leur permettaient pas les grandes commandes.

La dimension politique de ce medium fait partie du projet de l’URDLA (Union Régionale pour le Développement de la Lithographie d’Art devenue Utopie Raisonnée pour les Droits de la Liberté en Art), créée en 1978 de la récupération de presses lithographiques par un groupe d’artistes emmenés par Schoendorff, avec l’ambition affichée de prendre le contrôle sur la réalisation et la diffusion de leurs propres œuvres. Élargissant son cercle et ses possibilités d’intervention, l’URDLA est reconnue depuis comme un organe de production singulier en France, où l’exigence et l’interrogation sur les possibilités techniques de l’estampe, au service des artistes, demeurent le principe du développement de la structure.

La lecture de Peintres et Vilains est au cœur du découpage de l’exposition. Refusant de construire un récit linéaire, ou une simple rétrospective des activités de l’URDLA, l’exposition propose de multiplier les perspectives, par une mise en dialogue de ses collections avec celles de la Bibliothèque municipale de Lyon. C’est en effet l’ensemble des départements patrimoniaux de la Bibliothèque qui ont été sollicités afin d’entrer en résonance avec les œuvres produites par l’URDLA. Cette méthode génère un parcours elliptique où se mêlent, comme chez Pianzola, l’histoire ancienne et le contemporain, le vernaculaire et la préciosité, les procédés techniques et les considérations poétiques.

La visite de Peintres et Vilains fonctionne par jeu d’association d’idées nées des discussions des commissaires avec l’ensemble des équipes de la BmL. La liberté de ton de cette proposition commune entraîne le visiteur dans une exploration sauvage et romanesque de l’estampe et de ses avatars.

Fanny Schulmann & Cyrille Noirjean,
commissaires de l’exposition
URDLA

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