Représenter le lointain
Un regard européen (1450-1950)

Achevé en 1701, ce globe terrestre est l’œuvre de deux religieux du couvent du tiers-ordre de Saint-François – ou couvent des franciscains Picpus – établi au faubourg de la Guillotière : le père Grégoire de Lyon (Henri Marchand) et le père Bonaventure de Lyon (Vien ou Vin de son nom patronymique).

Henri Marchand (1674-1750) fut ordonné prêtre en 1698 ou 1699. Il partagea sa vie entre ses obligations religieuses au sein de son ordre et sa passion pour les sciences. Membre associé de l’Académie de Lyon, il est l’auteur de mémoires abordant des questions d’astronomie et de mathématiques. Dans le domaine cartographique, il assura l’orientation du Plan géométral de la ville de Lyon levé par Claude Séraucourt en 1735. D’après l’historien lyonnais Jacques Pernetti, le père Bonaventure était son cousin germain.

L’Amérique du Sud - "CC-BY-SA"

L’Amérique centrale et l’Amérique du Nord - "CC-BY-SA"

L’Afrique - "CC-BY-SA"

Une grande partie de l’Asie (Inde, Asie du Sud-Est, Chine, Corée, Japon...), l’océan Indien et l’Australie - "CC-BY-SA"

La Magellanie ou continent austral supposé auquel sont rattachées l’Australie (la « Nouvelle Hollande ») et la Nouvelle-Zélande - "CC-BY-SA"

L’océan Pacifique (la « mer du Sud ») avec de nombreux décors de navires et de monstres marins - "CC-BY-SA"

La Californie représentée comme une île - "CC-BY-SA"

Embarcation au sein de l’océan Pacifique, à l’est des îles Salomon - "CC-BY-SA"

Neptune, dieu des mers, représenté au sud de l’océan Atlantique - "CC-BY-SA"

---

Emplacement du couvent des franciscains Picpus de la Guillotière (ou couvent du tiers-ordre de saint François)

Détails du Plan géométral de la ville de Lyon levé et gravé par Claude Séraucourt, vérifié et orienté par le R. P. Grégoire de Lyon religieux du tiers-ordre de St François, en 1735, augmenté et rectifié en 1740
(Bibliothèque municipale de Lyon, F18SER008731)
Consulter l’exemplaire numérisé figurant dans Gallica

Le globe terrestre possède une structure en bois, couverte de toile et de plusieurs couches de papier sur lesquelles les éléments cartographiques ont été dessinés puis peints à l’huile. D’un diamètre d’environ 1,70 m, il compte parmi les plus grands et les plus anciens globes monastiques conservés en France. L’axe des pôles est disposé à l’horizontale.

Henri Marchand s’appuya principalement sur les travaux de l’astronome et jésuite italien Giovanni Battista Riccioli (1598-1671) et sur ceux de l’Académie royale des sciences. Le globe fournit ainsi un état du savoir géographique au tournant du 18e siècle. On relève la présence d’un vaste continent austral supposé auquel est rattachée la Nouvelle-Hollande (l’Australie actuelle). La Californie est figurée comme une île. La partie du globe représentant l’Afrique équatoriale suscita un large intérêt à la fin des années 1870. Certains y reconnurent les grands lacs, les sources du Nil et le cours du Congo, qui avaient alors été récemment explorés. De vives discussions s’engagèrent entre géographes concernant les connaissances que les Européens avaient du centre de l’Afrique avant le 18^e siècle. La Société de géographie de Lyon prit une part essentielle à l’étude du globe : elle publia deux rapports à son sujet et reproduisit la carte du continent africain qui était au centre des débats.

Le globe fut conservé dans la bibliothèque du couvent de la Guillotière jusqu’à la Révolution française. Saisi comme bien national, il ne fut pas déménagé immédiatement, sa grande taille rendant son déplacement difficile. En avril 1795, alors que la Guillotière était momentanément devenue une commune du département de l’Isère, les représentants du peuple s’opposèrent à son transport à Vienne et ordonnèrent son dépôt à la bibliothèque publique de Lyon. Dès lors, le globe suivit le sort des collections de l’établissement. Fin 1918 ou peu après, il rejoignit le palais Saint-Jean. En 1972, il fut restauré à Paris avant d’être installé à la bibliothèque nouvellement construite à la Part-Dieu.

Le père Grégoire avait également réalisé un globe céleste qui constituait le pendant de la sphère terrestre. Très endommagé, il fut détruit à la fin de l’année 1918 ou dans les mois qui suivirent.

Transcription des cartouches du globe

Nota. Les abréviations sont développées en italique.

Cartouche 1

"CC-BY-SA"

GLOBE TERRESTRE
fait suivant les plus exactes observations, remarques & relations
des auteurs anciens et modernes [un mot effacé] & recueillies principalement
par le Révérend Père Riccioli de la compagnie de Jesus, & plus exactement
complétées par toutes les nouvelles observations faites jusques a l’année
1685 en differents endroits du monde, tant par les Messieurs de
l’académie royale que par les autres personnes employées à la propa-
gation des sciences et des bienfaits de la foy par le zele incomparable
de nôtre invincible monarque LOUIS LE GRAND. Ainsy
conformement a ces observations, l’isle de Fer (ou les modernes pla-
coient le premier meridien) n’ayant été trouvée occiden-
tale par rapport à Paris que de 20 degrés 35 minutes
pour ne pas changer la longitude donnee ordi-
nairement a Paris qui est de 22 degrés [un espace blanc] minutes
on a placé le premier meridien a 1 degre
55 minutes plus a l’occident que ladite isle de
Fer, la plus occidentale des Canaries.

Cartouche 2

"CC-BY-SA"

AVIS
Afin qu’on ne prenne pas
les parties inconnues du globe te
rrestre pour des terres ou des contrées exp
lorées d’une manière confuse cette partie manque
autour des deux poles de ce globe
fait par l’ordre et les soins du Révérend Père Placide
de Saint Amour Frère Provincial des Religieux penitens du
tiers ordre de Saint François, & du Révérend Père Crespinien
de Toulon Gardien de ce couvent. & fini
le dix-septieme jour de Novembre de l’année
Mille sept cent un.
Par le travail des Révérends Bonaventure & Gregoire
Tous deux Religieux du
même ordre