Représenter le lointain
Un regard européen (1450-1950)

Des neiges éternelles aux poussières d’étoiles

Les regards des Européens se sont également tournés vers le monde des hauteurs.

Si les humanistes de la Renaissance ont prêté une certaine attention aux montagnes, les savants du 17e siècle leur ont voué une large indifférence. C’est au siècle suivant que se développe une perception positive des massifs montagneux : objet d’admiration, ils deviennent des espaces à étudier et à conquérir. Les Alpes s’imposent alors comme une destination prisée des élites. Quelques expéditions sont menées dans les montagnes des autres continents, notamment dans les Andes. Ce mouvement s’accentue dans les siècles qui suivent : les ascensions des sommets s’enchaînent tandis que s’établit une cartographie de plus en plus précise et que les images de la montagne et des exploits qu’elle suscite circulent de plus en plus abondamment.

La fascination pour l’univers a été constante. De la révolution copernicienne qui, au 16e siècle, place le Soleil, et non plus la Terre, au centre du mouvement des astres au lancement du premier satellite artificiel (Spoutnik en 1957) et au premier voyage habité dans l’espace (Youri Gagarine en 1961), chaque période a contribué à une connaissance et à une représentation de plus en plus fines du monde et des objets célestes.


Jusqu’au sommet

81. HANS BOL (1534-1593 ; dessinateur), ADRIAEN COLLAERT (1560 ?-1618 ; graveur)
Moïse sur la montagne

16e siècle
Taille douce, burin, 19,7 × 24,7 cm.

L’image représente l’épisode biblique dans lequel Moïse reçoit les Tables de la Loi, scellant ainsi sur le mont Sinaï l’alliance du peuple juif avec Dieu. Collaert évoque deux lointains possibles : l’un terrestre, celui de la Terre promise, figuré par le peuple et les troupeaux, l’autre relevant d’une élévation spirituelle, qu’incarne Moïse entendant la parole divine. Ce moment de l’exode hors d’Égypte s’enracine dans de nombreuses pratiques spirituelles qui font de la montagne le moyen d’une recherche d’élévation vers un absolu, vers un ailleurs. L’image s’inspire fidèlement de l’Ancien Testament. Tandis que Moïse gravit seul la montagne et entend la parole de Dieu, le peuple et ses troupeaux attendent son retour déjà conscients de l’exigence de ce pacte reposant sur le respect de la loi divine.

En écho
- Représentation du mont Olympe, haut lieu de la mythologie grecque antique, dans Abraham Ortelius, Theatrum orbis terrarum…, Anvers : Plantin, 1592, planche 26 à la fin du volume (BmL, Rés 31120).
Consultable en ligne dans numelyo
Avec une figuration de l’autel de Zeus ou Jupiter (« Iovis ara ») au sommet.


82. ADAM TÖPFFER (1766-1847 ; graveur)
Profil du Mont-Blanc et des montagnes qui bordent l’Allée-Blanche pris de la vallée de Ferrez

Dans HORACE-BENEDICT DE SAUSSURE (1740-1799), Voyages dans les Alpes, précédés d’un Essai sur l’histoire naturelle des environs de Genève, tome 2, Genève : Barde, Manget & compagnie, 1786, planche IV insérée entre les p. 302 et 303.

La perception que les Européens ont des montagnes évolue fortement au cours du 18e siècle. Considérées jusqu’alors comme des espaces répulsifs et pleins de dangers, elles deviennent des lieux d’émerveillement et des objets d’étude. C’est dans ce contexte que se déploie la passion d’Horace-Bénédict de Saussure pour les Alpes. Ce savant genevois est le deuxième à réaliser l’ascension du mont Blanc, en août 1787. Le « profil » de ce sommet, qui figure dans ses Voyages dans les Alpes, donne le sentiment d’une nature grandiose et apaisante. Les deux petits personnages représentés en bas de la gravure soulignent la place modeste de l’Homme face à l’ampleur de la montagne. Les planches à dessin que tient l’un d’eux symbolisent la curiosité scientifique et l’aspiration artistique que suscite ce paysage majestueux.

Documentation en ligne
- Alain De L’Harpe, « Le Mont-Blanc : prémices d’un haut lieu », dans « Heureux qui comme Ulysse, ... » Voyage, tourisme, géographie, Le Globe. Revue genevoise de géographie, tome 142, 2002, p. 137-146.
Disponible en ligne dans Persée (consulté le 5 février 2024).


83. MARC-AUGUSTE PICTET (1752-1825 ; cartographe)
Carte de la partie des Alpes qui avoisine le Mont Blanc

Dans HORACE-BENEDICT DE SAUSSURE (1740-1799), Voyages dans les Alpes, précédés d’un Essai sur l’histoire naturelle des environs de Genève, tome 2, Genève : Barde, Manget & compagnie, 1786, carte dépliante placée en tête du volume.

Publié en 1786, le second tome des Voyages dans les Alpes d’Horace-Bénédict de Saussure s’ouvre sur une carte du massif du mont Blanc et de ses environs, dressée par son compatriote genevois Marc-Auguste Pictet. Il s’agit de la première carte détaillée d’un ensemble montagneux, qui vaut notamment pour la richesse de la toponymie. A proximité du mont Blanc, on relève notamment le mont « Peteret » (Peuterey), au sud-est, l’aiguille du « Gouté » (Goûter), à l’ouest, et l’aiguille du Midi au nord. La mer de Glace est ici nommée glacier des Bois. Le dessin du relief n’a en revanche rien de novateur comparé aux cartes des Alpes précédentes. L’éclairage des sommets par l’ouest fait ressortir le tracé des vallées. L’altitude des principaux sommets est indiquée à gauche de la carte. Celle du mont Blanc est évaluée à 2 426 toises soit environ 4 728 m.


SJ ID 100/301 : Charles Leroy. Atlas universel et classique de géographie ancienne, romaine, du moyen-âge, moderne et contemporaine, à l'usage des établissements d'instruction secondaire. 1853 (carte 3 : tableau comparatif des plus hauts sommets du monde).

BmL, collection jésuite des Fontaines, SJ ID 100/301.
Consultable en ligne dans numelyo

84. JENOTTE (18..-18..? ; graveur)
Hauteur des principales montagnes au-dessus du niveau de l’océan

Dans CHARLES LEROY (18..-19..), Atlas universel et classique de géographie ancienne, romaine, du moyen-âge, moderne et contemporaine, à l’usage des établissements d’instruction secondaire, Paris : E. Belin, 1853, carte n°3.

Au début du 19e siècle, la France se dote d’établissements scolaires secondaires afin de forger l’unité morale de l’élite et, à travers elle, celle de la nation. Ces lycées dispensent une formation générale à des garçons qui formeront les cadres de l’administration, de l’armée et du gouvernement. La carte se veut didactique : l’illustration des montagnes les plus hautes, rassemblées comme un palmarès géographique, n’en rend cependant pas la lecture plus aisée. On note le point de vue centré sur l’Europe : le mont Blanc est le n° 1 dans la liste. La hiérarchie ne tient pas compte de la géographie physique : dans les faits, les 10 plus hauts sommets se trouvent en Asie centrale et en Amérique du Sud. Le mont Blanc n’est que le 32e sommet, loin derrière le continent asiatique.


85. JEAN-THOMAS THIBAULT (1757-1826 ; dessinateur) d’après une esquisse d’ALEXANDER VON HUMBOLDT (1769-1859), LOUIS BOUQUET (1765-1814 ; graveur)
Le Chimborazo vu depuis le plateau de Tapia

Dans ALEXANDER VON HUMBOLDT (1769-1859), Vues des Cordillères, et monumens des peuples indigènes de l’Amérique, Paris : N. Maze, 1816-1824, tome 2, planche 25.

Parti en Amérique du Sud pour un voyage d’exploration scientifique, le baron et naturaliste prussien Alexander von Humboldt tente en 1802 la première ascension connue du Chimborazo, dans les Andes équatoriennes. Culminant à 6 263 m, le volcan passe à l’époque pour être le plus haut sommet de la Terre. Humboldt et Bonpland parviennent à l’altitude remarquable de 5 878 m, avant de devoir s’arrêter en raison d’une crevasse et de la raréfaction de l’oxygène. Ils établissent alors un record, même si l’on sait depuis que les Incas avaient atteint des sommets supérieurs à 6 000 m. Humboldt fait de cette eau-forte colorée, dessinée par Thibault d’après sa propre esquisse, le « principal ornement de [son] ouvrage », et tient à faire représenter les contrastes dus à l’étagement de la végétation, ainsi que lamas et Amérindiens se rendant au marché afin d’en donner l’échelle.


86. ALEXANDER VON HUMBOLDT (1769-1859 ; dessinateur), AIME BONPLAND (1773-1858 ; dessinateur), ADOLPHE SCHÖNBERGER (1768-1847 ; dessinateur), PIERRE TURPIN (1755-1840 ; dessinateur), LOUIS BOUQUET (1765-1814 ; graveur), CLAUDE-LOUIS BEAUBLE (1755 ?-1817 ; graveur)
Géographie des plantes équinoxiales : tableau physique des Andes et pays voisins…

Dans ALEXANDER VON HUMBOLDT (1769-1859), AIME BONPLAND (1773-1858), Essai sur la géographie des plantes, accompagné d’un tableau physique des régions équinoxiales…, Paris : Fr. Schoell ; Tübingen : J. G. Cotta, 1807, planche hors texte insérée à la fin de l’ouvrage.

Alexandre Humboldt, jeune savant allemand, accompagné d’Aimé Bonpland, embarque en 1799 pour une expédition naturaliste d’une durée de 5 ans en Amérique équinoxiale. Il s’assure une renommée mondiale en gravissant le Chimborazo, sommet considéré à cette époque comme le plus élevé du monde, et surtout, en publiant Le Tableau physique dans son Essai de 1807. La présentation d’une vue en coupe des volcans Chimborazo et Cotopaxi et de l’étagement de la végétation selon l’altitude, est l’une des premières représentations d’une répartition spatiale précise des espèces. Le Tableau a fortement influencé l’histoire des sciences, malgré les erreurs que Humboldt s’est efforcé de rectifier plus tard dans des publications moins connues. La première version est restée dans la mémoire collective des sciences comme un héritage fondateur.


87. EDMUND HILLARY (1919-2008 ; photographe)
Vue panoramique prise du sommet de l’Everest le 29 mai 1953, à 11h30

Dans JOHN HUNT (1910-1998), Victoire sur l’Everest, Paris : Amiot-Dumont, 1953, planches 22-23 entre les p. 304-305.

Le 29 mai 1953, Edmund Hillary, le Néo-Zélandais, et Tensing Norgay, le Népalais, deviennent les premiers hommes à gravir l’inatteignable, l’Everest. Les deux hommes font partie de l’expédition britannique dirigée par le général John Hunt, la neuvième tentative d’ascension du sommet depuis 1920. La cime de cette montagne de 8 849 m. a été identifiée comme le point culminant du monde dans les années 1850 et son nom est attribué en 1865 en l’honneur de Georges Everest, un géomètre britannique. Ce sommet de la chaîne de l’Himalaya, à la frontière du Népal et de la Chine est appelé Chomolugma en sherpa, et Qomolangma en tibétain. La photographie prise au moment historique du 29 mai 1953, est le premier cliché pris depuis le point le plus haut de la Terre.
BmL, collection jésuite des Fontaines, SJ G 416/21.


« Un peu plus près des étoiles »

88. Sphères et paradis célestes autour de la Terre

Dans JOHANNES DE SACRO BOSCO (11..-1256 ?), Tractatus de sphaera, pièce d’un recueil de traités d’astronomie et de mathématiques, manuscrit sur parchemin, Bâle, vers 1425-1431, f. 1.

Le Traité de la sphère, œuvre rédigée vers 1230 par Jean de Sacrobosco, inaugure ce recueil d’astronomie et de mathématiques probablement copié dans la région de Bâle vers 1425. Le premier feuillet arbore un diagramme fidèle à la cosmologie médiévale, système géocentrique hérité de l’Antiquité. Les cercles concentriques figurent l’axe du monde, les sphères élémentaires, planétaires, celle des étoiles fixes, le primum mobile et l’empyrée. Les anneaux célestes contiennent les distances d’une sphère à une autre, ainsi que les durées de rotation de chacune sur elle-même alors que la partie la plus élevée du ciel est illustrée des bienheureux, des saints et des anges comme sertie par une mandorle où trône Dieu entouré de séraphins. Il faut attendre le 16e siècle et sa révolution copernicienne pour bousculer cette conception aristotélo-ptolémaïque de l’univers.

Le Traité de la sphère – largement inspiré de l’Almageste de Ptolémée et de ses commentateurs arabes – connaît une très large diffusion dès son élaboration au 13e siècle. Il fonde l’enseignement astronomique en Europe tout au long du Moyen Âge et atteste donc que nul n’ignore alors la rotondité de la Terre, enseignée par les savants grecs dès le 5e siècle. Il place également la terre au centre de l’univers dont elle ne peut être séparée, fidèle à la conception médiévale d’une image totale du monde. Riche de plusieurs autres figures, ce manuscrit est magnifiquement enluminé au premier feuillet en synthétisant des connaissances dites scientifiques avec une vision chrétienne du ciel. L’empyrée, cercle supérieur, densément peuplé et baigné d’une intense lumière d’un rouge ardent est conforme à la vision du paradis céleste. Ce manuscrit est l’un des rares à concilier un diagramme très complet avec une figuration artistique aussi soignée.


89. Planispherium Copernicanum sive systema universi totius creati ex hypothesi copernicana in plana exhibitum / Planisphère de Copernic ou système de l’ensemble de l’univers créé d’après l’hypothèse copernicienne

Dans ANDREAS CELLARIUS (1596-1665), Harmonia macrocosmica, Amsterdam : Johannes Janssonius, 1661, planche IV entre les p. 22 et 23.

Mathématicien, astronome, géographe et cosmographe allemand, Andreas Cellarius produit en 1660, puis en 1661 en une seconde émission, un luxueux atlas céleste. Le grand in-folio est orné de 29 grandes planches gravées sur cuivre très élaborées, rehaussées de couleurs. Cet ouvrage remarquable développe les visions du monde établies par Ptolémée, Tycho Brahé et Copernic. Une de ses plus belles figures illustre le nouveau modèle de rotation des astres autour du soleil, l’héliocentrisme, dont Cellarius est partisan. Les planètes sont accompagnées de leur satellite et l’on peut observer les 4 lunes de Jupiter découvertes par Galilée. L’astronome polonais, Copernic, est représenté dans l’angle en bas à droite de la figure et fait face à Aristarque de Samos en bas à gauche. Le savant grec fut l’un des premiers à avoir suggéré le mouvement de la Terre autour du Soleil.

Trésor de l’âge d’or de la cartographie céleste, cet atlas est le premier du genre publié en Hollande avant le 19e siècle. Il fait partie d’un vaste programme de description de la Terre et du cosmos engagé presque cent ans auparavant par Gérard Mercator (1512-1594), mathématicien et géographe. Parmi les nombreuses planches, une dizaine a été exécutée par le graveur, cartographe et éditeur flamand Johannes van Loon ; celle exposée ici n’étant pas signée. Les illustrations des constellations ont été reprises de celles conçues par Jan Pieterszoon Saenredam.


90. GUILLAUME VALLET (1632-1704 ; graveur)
Carte céleste représentant notamment les constellations du Cancer, des Gémeaux, du Taureau

Dans IGNACE-GASTON PARDIES (1636-1673), Globi coelestis in tabulas planas redacti descriptio…, Paris : Jean de Fontaney, 1674, planche 3.

Né en 1636 à Pau, Ignace-Gaston Pardies poursuit des études de philosophie et de physique puis enseigne les mathématiques au collège de Clermont – actuel collège Louis le Grand – à Paris. Correspondant des savants illustres de son époque - Newton, Leibniz ou Huygens – il meurt prématurément d’une fièvre, à 38 ans. Son atlas céleste est publié pour la première fois à titre posthume en 1674. Il se compose de six splendides cartes gravées au burin par Guillaume Vallet, graveur du roi et membre de l’Académie de peinture et de sculpture, imprimées sur double-page et mises en couleur. Un texte explicatif en latin et en français les accompagne. La finesse de la représentation des étoiles et des figures mythologiques où s’inscrivent les constellations ainsi que la précision du parcours des comètes en fait un outil d’astronomie tout autant qu’un ouvrage artistique.

Inspiré des figures initialement parues en 1603 dans l’Uranometria de Johann Bayer (1572-1625), il servira à son tour de modèle aux cartes de William Dawes publiées par la Society for the Diffusion of Usefull Knowledge (SDUK) en 1844.


Rés 341427 : Galileo Galilei. Sidereus nuncius… 1610 (f. 9v-10r : observations de la Lune).

BmL, Rés 341427.

91. Observations de la Lune

Dans GALILEO GALILEI (1564-1642), Sidereus nuncius, Venise : Thomas Baglioni, 1610, f. 9v-10.

Le Messager des étoiles est un des livres les plus marquants de l’histoire des sciences. Galilée y relate les découvertes qu’il réalise en pointant une lunette vers le ciel. La publication est une première scientifique : jusque-là, l’observation se faisait uniquement à l’œil nu (seul Thomas Harriot avait utilisé la lunette quelques mois avant Galilée, sans rien publier).

La Lune est le premier corps céleste observé à la lunette. Les gravures montrent que la séparation entre la face illuminée et la face obscure de la Lune (le terminateur) n’est pas linéaire. Ce jeu d’ombres est caractéristique des reliefs et des dépressions. La Lune est donc un corps céleste non lisse, imparfait, similaire à la Terre. Galilée observe que la face non éclairée de la Lune se distingue par une lumière « cendrée » ; il en déduit que notre planète réfléchit la lumière comme les autres. Il montre encore que la voie lactée est en réalité composée de myriades d’étoiles et que Jupiter possède aussi des « lunes ». En quelques pages, le livre de Galilée remet en cause, par l’observation et pas seulement la théorie, les fondements de la conception aristotélicienne du cosmos.

Le livre a eu un immense succès dès sa parution, si bien que la même année, une édition pirate paraît à Francfort. Aujourd’hui, le livre attise les convoitises. À la fin des années 1990, un exemplaire a été volé et remplacé par un faux à la Bibliothèque nationale d’Espagne. De 2005 et 2012 un faux célèbre a trompé un temps la communauté scientifique.


92. JAN HEWELIUSZ (1611-1687 ; cartographe), JEREMIASZ FALCK (1610 ?-1677 ; graveur)
Tabula selenographica… / Carte lunaire…

Dans JAN HEWELIUSZ (1611-1687), Selenographia sive Lunae descriptio, Gdańsk : aux frais de l’auteur, 1647, figure Q entre les p. 226 et 227.

Après la publication du Sidereus nuncius, les observations de la Lune se multiplient et alimentent un débat sur la nature de l’astre. Quelle que soit l’obédience des savants, une analogie de convention avec la Terre s’impose. Les premières cartographies de la Lune apparaissent, dont la toponymie constitue un enjeu politique.

Jan Hevelius, un astronome polonais, pousse très loin cette analogie, en reprenant les codes de la cartographie terrestre. Les « mers » qui apparaissent sombres sur la Lune sont laissées blanches sur la carte, à l’inverse des montagnes foncées sur la carte et brillantes dans le ciel. De même, plutôt que de donner des noms de monarques et de savants dont le choix ferait polémique, il organise le territoire lunaire sur le modèle du monde antique, centré sur une mare mediterraneum, en y ajoutant des lieux chrétiens (Sinaï en bas). Mais ce sera finalement la proposition concurrente de G. Riccioli qui sera retenue jusqu’à nos jours.
Enfin, notons que cette carte montre des parties parfois cachées (bande en haut à droite et en bas à gauche). C’est la libration lunaire qu’Hevelius est le premier à mettre au jour : du fait d’une vitesse de rotation légèrement différente de la Terre, le satellite montre un peu plus de la moitié de sa surface par cycle.

Documentation en ligne
- Nydia Pineda De Ávila, « La sélénographie au XVIIe siècle : support des interrogations géographiques et espace de projection des enjeux politiques, intellectuels et institutionnels », Revue de géographie historique, 17-18, 2020. Disponible en ligne dans OpenEdition (consulté le 23 octobre 2023).
- Sélénographies : 350 ans de cartographie lunaire, exposition virtuelle dans la bibliothèque numérique de l’Observatoire de Paris, mise en ligne en 2019.
Disponible en ligne (consulté le 23 octobre 2023).
- The Face of the Moon, exposition virtuelle de la Linda Hall Library, version numérique d’une exposition qui s’est tenue en 1989.
Disponible en ligne (consulté le 23 octobre 2023).

En écho
- Carte de la lune de Giambattista Riccioli dans Almagestum Novum, Bologne : héritiers Benacci, 1651, entre les p. 204 et 204* (BmL, Rés 22843 tome1.1).
Consultable en ligne dans Google Books
- Pierre-Mathieu Ogier, « Carte de la lune », avec des annotations manuscrites donnant les noms de Riccioli (BmL, F17OGI009898).
Consultable en ligne dans numelyo


93. ANGELO SECCHI (1818-1878 ; dessinateur), JOSEPH WINLOCK (1826-1875 ; dessinateur)
Protuberanzen der Sonne / Protubérances solaires

Dans WILHELM BÖLSCHE (1861-1939), Hausschatz des Wissens : Entwichelungsgeschichte der Natur, Neudamm : J. Neumann, 1894-1896, tome 1, planche hors texte entre les p. 416 et 417.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, le Soleil fait l’objet d’importantes recherches. L’apparition de nouveaux instruments, comme le spectroscope, favorise son étude et permet notamment d’examiner les protubérances qui se forment à sa surface. De nombreux dessins du phénomène sont alors dressés. Ceux que Wilhelm Bölsche reproduit en couleur, dans un ouvrage de vulgarisation paru au milieu des années 1890, sont l’œuvre de deux astronomes. Les six premiers sont de la main d’Angelo Secchi, qui fut l’un des plus grands spécialistes du Soleil et qui classa les protubérances selon leurs formes : type « nuage » dans le dessin en haut à gauche, type « éruption » dans ceux de la deuxième ligne... Joseph Winlock, directeur du Harvard College Observatory, réalisa les deux dessins qui figurent en bas de page lors d’observations faites en avril 1872.

Documentation en ligne
- Sur les travaux qu’Angelo Secchi consacra aux protubérances solaires : Francis Beaubois, Le soleil comme laboratoire des pratiques scientifiques, Astrophysique [astro-ph], Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2014, p. 217-224.
Disponible en ligne dans HAL (consulté le 4 février 2024).


134549 : Raymond Michard, Camille Flammarion, André Couder. Astronomie populaire. 1955 (planche entre les p. 330 et 311 : photographie de Jupiter).

BmL, 134549.

94. Jupiter. Observation faite le 5 août 1926, à la grande lunette de l’Observatoire de Meudon

Dans CAMILLE FLAMMARION (1842-1925), GABRIELLE CAMILLE-FLAMMARION (1877-1962 ; éditrice scientifique), ANDRE DANJON (1890-1967 ; éditeur scientifique), AUDOUIN DOLFUS (1924-2010 ; collaborateur), RAYMOND MICHARD (1925-2015 ; collaborateur), FERNAND BALDET (1885-1964 ; collaborateur), CHARLES FEHRENBACH (1914-2008 ; collaborateur), ANDRE COUDER (1897-1979 ; collaborateur), Astronomie populaire, Paris : Flammarion, 1955, planche hors texte entre les p. 330 et 331.

Astronome autodidacte, Camille Flammarion est le vulgarisateur scientifique français le plus célèbre de la seconde moitié du 19e siècle. En 1880, il publie une Astronomie populaire chez Marpon et Flammarion, la maison d’édition fondée par son frère Ernest. L’ouvrage, richement illustré, rencontre un vif succès et fait l’objet de plusieurs rééditions. En 1955, la maison Flammarion propose au public une Astronomie populaire « entièrement refaite », qui actualise les connaissances scientifiques tout en conservant le plan adopté par Camille Flammarion et une partie de ses textes. Cette édition reproduit de très nombreuses photographies noir et blanc et quelques clichés couleur, comme celui de la planète Jupiter, réalisé 30 ans plus tôt. Elle est également accompagnée de deux grandes cartes célestes dépliantes.

Documentation en ligne
- Marie Boissière, « Sciences pour tous, épisode 3 : Camille Flammarion, l’astronomie dans tous ses états », billet publié dans le Blog Gallica, 16 juin 2017
Disponible en ligne (consulté le 2 février 2024).