La typographie dessinée

On appelle cadeau ou lettre cadelée, une grande lettrine ornée de traits de plume. Assez fréquentes dans les manuscrits à partir du 15e siècle, leur nom vient de l’ancien français cadel qui signifie lettre capitale. Une autre étymologie renvoie au mot latin, catellus qui se traduit par « petite chaîne » à cause du caractère enchaîné des traits de plume.
Constituées par des entrelacs qui jouent sur les pleins et les déliés pour former un motif, ces lettres laissent apparaitre un visage qui ressemble à un masque de profil.
Mais l’imagination de l’artiste mêlée à un répertoire hybride produit le plus souvent une ornementation grotesque. Principalement anthropomorphes, les lettres peuvent inclure des éléments zoomorphes. Ainsi ces figures étranges, humaines ou animales ou les deux se retrouvent placées en tête des chapitres dans les manuscrits.

La typographie peut être identifiée comme la voix du texte, la manière dont il est entendu quand il est lu. La propagande désigne le fait d’influencer, par des actions ostentatoires et souvent directes, et d’orienter les individus dans le sens où on veut les mener. Les affiches de propagande de la Première Guerre mondiale en sont un exemple. Au début du 20e siècle, c’est le principal vecteur d’information et de communication. Sur cette affiche de 1915, l’emploi d’une typographie épaisse et de la couleur rouge, qui ont un fort impact visuel, participent au message voulu par l’armée britannique à savoir inciter les gens à s’engager dans le conflit.

Ouvrage emblématique de la Renaissance, le Champ fleury est le premier traité de grammaire, d’orthographe et de typographie de la langue française, écrit par un célèbre éditeur humaniste du 16ème siècle, Geoffroy Tory. Cet imprimeur-libraire parisien fut le premier "Imprimeur du Roi" nommé en 1531 par François 1er. Il dût très certainement ce titre à la publication en 1529 de ce remarquable traité de dessin de caractères.
Il y pose le principe de la construction des lettres selon les règles de géométrie et les proportions idéales du corps humain. Il s’inspire en cela des travaux de l’architecte romain Vitruve, des traités de perspective de Leon Battista Alberti et d’Albrecht Dürer, mais aussi de Léonard de Vinci. On en voit ici une illustration parlante, avec la lettre « o », lettre parfaite, construite sur le cercle, dans laquelle s’inscrit idéalement le dessin du corps humain, évoquant le célèbre dessin de Léonard de Vinci l’Homme de Vitruve.
Le Champ fleury doit son nom à une série d’alphabets variés et fantastiques qu’il fait figurer en bouquet final de son traité.

Cet abécédaire « Gruyère » est l’œuvre du créateur de caractères et calligraphe français, Jean Larcher. Il est édité en 1976 pour l’ouvrage Fantastic alphabets, un recueil de lettrages dans lequel Jean Larcher laisse libre cours à son imagination et propose diverses expérimentations autour de la création d’alphabets. Ici les lettres, en forme de morceau de Gruyère, célèbre fromage à trous, rapprochent l’art de la typographie de l’illustration. Il utilise aussi ce lettrage pour une courte phrase qui entre avec humour en résonnance avec le choix de la représentation : « Once upon a time a little mouse » / « Il était une fois une petite souris ».
Ce spécimen de caractères fait partie du corpus typographique français du Musée de l’Imprimerie et de la Communication Graphique de Lyon. Ce corpus recense les polices de caractères dessinées en France entre 1850 et 2010. La présentation de cette collection sur numelyo, la bibliothèque numérique de la Ville de Lyon, est le fruit d’un partenariat numérique entre la Bibliothèque municipale de Lyon et le Musée de l’Imprimerie et de la Communication Graphique.