Qui ne s’est jamais fait caricaturer, de passage à Montmartre ? Représentation souvent dessinée d’un individu, la caricature exagère à la fois les traits physiques et de caractère de son modèle. La caricature trouve sa trace dès l’Antiquité, mais elle s’est particulièrement développée au XIXe siècle, avec l’imprimerie, l’essor de la presse et tout particulièrement des dessins de presse.
Le mot « caricature » tire son origine de l’italien caricatura, qui tire lui-même son origine du latin caricare, c’est-à-dire charger. Cette charge connaît plusieurs formes : les arts visuels, les arts vivants ou la littérature. Néanmoins, elle est plus communément connue sous sa forme dessinée, permettant ainsi une compréhension instantanée. La caricature peut tout aussi bien cibler une personne qu’un groupe social ou une situation. Cet art moqueur joue sur notre culture commune, symbolique et visuelle, pour créer une image qui parle au plus grand nombre. Ainsi, elle peut reposer sur des stéréotypes, eux-mêmes souvent caricaturaux. Dans cet art de la simplicité, tous les détails ont cependant un sens.
Plusieurs procédés sont utilisés en caricature : exagération, métaphore, anachronisme, personnification, métonymie, et le dernier, mais non des moindres, l’ironie. L’exagération et l’ironie sont les plus récurrentes. L’exagération et l’ironie sont les procédés les plus fréquents. Les traits — physiques et comportementaux — sont souvent accentués. Dans le second cas, au-delà des personnages, c’est la situation dans son ensemble qui est caricaturée. Des situations déjà absurdes dans la réalité sont rendues encore plus insensées par les caricaturistes, créant des situations inappropriées d’un point de vue moral. Ces mises en scène dénoncent ainsi toute l’absurdité de notre petit théâtre humain. La caricature vise souvent l’humour, mais lorsqu’elle revêt les habits de la morale et de la dénonciation, elle ne fait pas toujours rire.
En écho à l’actualité, elle peut prendre une dimension politique et a souvent été utilisée pour combattre le pouvoir. Cependant, les caricatures peuvent heurter les sensibilités, voire choquer durablement, comme ce fut le cas récemment avec les caricatures de Mahomet.
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Parodier pour dénoncer
Armand Dayot, Les maîtres de la caricature française au XIXe siècle, 1888, 1 livre : La Résurrection de la censure par Grandville ; in-4. BmL|numelyo 104569. Voir sur numelyo
Avec d’énormes ciseaux de censeur, ce personnage au nez crochu et pieds griffus représenté par Grandville en 1832 est en fait un portrait de D’Argout, le censeur en chef du gouvernement. En pleine ascension, comme ressuscité, il s’élève au milieu de personnages impuissants, comme ensuqués, qui représentent la presse. Car, sous le règne de Louis-Philippe (1830-1848) la censure gouvernementale s’intensifie. Les caricatures sont pour les artistes les armes de la résistance. Ici Grandville utilise la parodie. La scène évoque celle de la Résurrection. Difficile pour le spectateur de ne pas faire le rapprochement. Sans décrire clairement la situation, le parallèle si pertinent engage une complicité entre le lecteur et le dessinateur. Une technique bien rodée dans les codes de la caricature.
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Jouer sur les mots
Honoré Daumier, Célébrités de la Caricature : Mr BENJAMIN DUDESSERT (Benjamin Delessert), 1833, 1 estampe, 35 x 26,3 cm. BmL|numelyo F19DAU008937. Voir sur numelyo
Homme d’affaires et naturaliste, né à Lyon le 14 février 1773, Benjamin Delessert est une des personnalités à l’origine du développement de la Caisse d’Epargne et son fameux livret A destiné à encourager l’épargne populaire. La caricature joue certes sur les traits physiques soulignant l’abondance mais aussi sur les mots : son nom écorché en « Dudessert » fait référence à sa méthode d’extraction de sucre de la betterave, ingrédient très utile pour les desserts. Dans l’art de la caricature, le jeu de mot s’approprie le sens imagé comme le sens propre.
Réalisée en 1833, cette lithographie fait partie d’une série intitulée Célébrités de la Caricature. Elle s’inspire d’un buste en terre crue réalisé par Honoré Daumier appartenant à une série de moulages caricaturant des hommes politiques intitulée Célébrités du juste milieu que l’on peut retrouver au Musée d’Orsay ou encore au Musée des Beaux-arts de Lyon pour la version en bronze.
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Zoomorphisme
De Tristibus Galliae carmen, Protestants détruisant le portail de la cathédrale Saint Jean de Lyon et pillant ses trésors, 16e siècle, 1 estampe, 16,8 x 17,2 cm. BmL|numelyo Ms 156, f. 3. Voir sur numelyo
À la fin du 16e siècle, un des plus violents conflits de l’histoire européenne éclate. Lyon n’échappe pas aux désastres de cette guerre où réformés et catholiques s’affrontent. Alors que nombre d’écrits sont interdits, les images, plus volatiles, subissent une vague de censure terrible. Souvent simple illustration où les protagonistes sont affublés de bonnet d’âne ou de faciès d’animaux, certaines, plus élaborées ornent des livres précieux et coûteux.
Ce dessin enluminé représente la destruction du portail de Saint-Jean (Lyon 5e). Les calvinistes, représentés avec une tête de singe, pillent la Primatiale des Gaules : deux sont à terre après avoir tenté d’escalader la façade pour détruire les sculptures, tandis qu’un autre est parvenu au sommet. Au 1er plan à gauche, des êtres hybrides enfoncent une porte à l’aide d’un bélier. Le manuscrit De Tristibus Galliae carmen sur les guerres de religions au 16e siècle compte 40 enluminures, toutes utilisant le zoomorphisme prêtant les caractéristiques de l’animal aux personnages figurés.
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Comparer pour décrire
William Hogarth, Gin Lane, 1751, 1 estampe, 38,9 x 32,1 cm. BmL|numelyo AN18HOG005140. Voir sur numelyo
Considéré comme le père de la satire anglaise du 18e siècle, Hogarth (1697-1764) publie en 1751 deux estampes suite au Gin Act. Cette loi du Parlement de Grande-Bretagne vise à endiguer les effets dramatiques du gin, boisson introduite en Angleterre par les soldats britanniques partis combattre en Hollande au 17e. Devenue très populaire et peu couteuse, cette boisson fait des ravages notamment dans les classes défavorisées de la population londonienne, jusqu’à être surnommée « The Mother’s Ruin ».
Hogarth utilise la comparaison en représentant le triste quotidien des habitants de Gin Lane ravagés par l’ivresse, fléau qui laisse sans réaction une mère devant son bébé sur le point de basculer, un mendiant et son chien qui se disputent le même os… des bagarres et des morts de partout…. En regard, il oppose Beer Street, où les habitants semblent réjouis d’être abreuvés par la bière anglaise.
Mais dans ces temps éloignés où faire l’apologie de l’alcool n’est pas interdit, Hogarth plus subtilement compare des inégalités sociales et économiques de son époque.
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Une rapide histoire de la caricature
Bibliothèque nationale de France
Apparue pour la première fois en français en 1740, la caricature est une image qui charge, exagère, déforme pour donner à rire et dénoncer. Si la pratique peut être retracée jusqu’en Egypte antique, elle se développe surtout à la période moderne, avec l’apparition de l’imprimerie, puis de la presse.
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Caricature, de l’art ou du crayon ?
Philippe Lançon, Libération
En partant de la Renaissance, l’historien Bertrand Tillier analyse le pas de deux entre artistes et satire, quand le grotesque et la transgression étaient un « envers de l’art » que la massification des journaux allait peu à peu déclasser.
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Vladimir Kazanevsky : la caricature, un acte de résistance
L’Influx
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, nous mettons en lumière le dessinateur de presse et caricaturiste ukrainien Vladimir Kazanevsky. Dans ce contexte de guerre, ses dessins politiques sont un acte de résistance. [...]
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