Willem - Rire du pire

Peut-on rire de tout ?

La satire peut créer un malaise chez le lecteur. Les débats autour de la place du dessin de presse satirique dans notre société, et par extension de la liberté d’expression et de la presse, n’ont fait que se renforcer depuis la publication des caricatures de Mahomet par le journal Jyllands-Posten et l’attentat contre Charlie Hebdo.

En 2005, le journal danois Jyllands-Posten lance un concours pour aider un auteur à trouver un illustrateur pour son livre jeunesse sur la vie de Mahomet, que personne jusqu’à présent ne souhaitait illustrer. Le journal diffuse les dessins : l’un d’eux connaîtra une diffusion mondiale et provoquera la colère du monde musulman. L’affaire des caricatures de Mahomet vient juste de commencer.
En réaction, Plantu et l’association Cartooning for peace appelent les dessinateurs à davantage de modération. Modération non partagée par tous les dessinateurs dont certains invoquent leur liberté d’expression. En soutien, Charlie Hebdo fait le choix de publier des caricatures de Mahomet. Ce climat de tension et ce positionnement mènent à l’attentat du 7 janvier 2015 : ce jour-là, en couverture du journal, paraît une caricature de Houellebecq par Luz, illustrant la sortie du roman Soumission, œuvre d’anticipation dans laquelle un parti politique musulman prend le pouvoir en France. Dans la matinée, la fusillade perpétrée par deux terroristes islamistes dans les bureaux de Charlie Hebdo fera 12 morts et 11 blessés.

L’expression devenue célèbre « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde » trouve son origine dans l’émission radiophonique de France Inter intitulée le Tribunal des flagrants délires. Ce jour-là, l’équipée comique menée par Claude Villers reçoit Jean-Marie Le Pen. L’humoriste Pierre Desproges se pose alors deux questions : « Premièrement, peut-on rire de tout ? Deuxièmement, peut-on rire avec tout le monde ? ». À la première, il répond oui sans hésiter. À la seconde, il répond « C’est dur... Personnellement, il m’arrive de renâcler à l’idée d’inciter mes zygomatiques à la tétanisation crispée. C’est quelquefois au-dessus de mes forces, dans certains environnements humains : la compagnie d’un stalinien pratiquant me met rarement en joie. Près d’un terroriste hystérique, je pouffe à peine, et la présence à mes côtés d’un militant d’extrême droite assombrit couramment la jovialité monacale de cette mine réjouie dont je déplore en passant, mesdames et messieurs les jurés, de vous imposer quotidiennement la présence inopportune au-dessus de la robe austère de la justice sous laquelle je ne vous raconte pas. ».

Numelyo, la bibliothèque numérique de Lyon, vous partage

Jacques Callot, Le joueur de luth, 17e siècle
Honoré Daumier, A 30 ans – A 60 ans, série Doubles Faces, 1838
J. G., Flegel, Bilder des todes oder todtentanz für alle stände = Les images de la mort pour toutes les conditions de la vie, 1850
Nicolas Delaunois d'après un dessin de Grandville, Grande course aux Portefeuilles, 1835

Pour aller plus loin

À écouter

Peut on rire de tout ?

Bruno Gaccio, le 23/01/2024

Écouter la conférence en ligne

À écouter

Le dessin de presse peut-il encore être satirique ?

RadioFrance, le 04/07/2019
Photo by Markus Winkler on Unsplash
Écouter sur RadioFrance

À lire en ligne

On peut rire de tout, mais on peut aussi arrêter de citer Desproges n’importe comment

Frantz Durupt, Libération

La fameuse phrase de l’humoriste « on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde » est souvent employée à contresens pour justifier des blagues racistes ou sexistes, et ce alors que Pierre Desproges lui-même n’avait pas l’air tout à fait au clair sur ces sujets.
Lire sur Libération

« Charlie », Dieudonné… : quelles limites à la liberté d’expression ?

Damien Leloup, Samuel Laurent, Le Monde

« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que “Charlie Hebdo” peut faire des “unes” sur la religion ? » La question revient souvent.
Lire sur Le Monde

South Park, le Charlie Hebdo américain ?

L’Influx

Le New York Times a désigné South Park comme étant le « Charlie Hebdo américain ». Quels sont les points communs entre une série d’animation télévisée américaine et le journal satirique français ?
Lire sur L’Influx