La Documentation régionale

Pour tout savoir sur Lyon, la Métropole et la Région, dans tous ses aspects, histoire et actualité, patrimoine et nature...

Les chroniques du Silo

Episode 9 : Curiosités du Silo 14 - La presse de loisirs à Lyon (1870-1914)

Dans le cadre des travaux du Silo, nous sommes amenés à transférer des collections d’un étage à un autre le temps des travaux. L’actuel 14e étage du silo accueille les collections patrimoniales régionales, à savoir la presse lyonnaise du XIXe.

A l’avenir, dans le futur silo réaménagé, ces collections seront montées au 17e étage après être passées provisoirement par le 10e étage.
Ces déménagements sont l’occasion de réviser l’état de ces collections ; cela permet aussi de les redécouvrir.

Une partie de ces titres a été numérisée lors de la campagne de numérisation en 2009. Ce sont 200 titres qui sont aujourd’hui consultables sur NUMELYO à la rubrique Collections numérisées / Presse lyonnaise de 1790 à 1944.
Les titres non numérisés sont pour un grand nombre microfilmés, ce qui permet aussi de les consulter car très souvent l’état de cette presse est trop dégradé pour pouvoir la communiquer au public.

L’Age d’or de la presse : 1870-1914

Grâce à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse votée sous la IIIe République mais aussi avec les progrès technologiques permettant les grands tirages, la presse française va beaucoup changer. A Lyon, la presse devient foisonnante. Durant cette période, sont créés 717 périodiques à côté des 7 quotidiens existants et de diverses couleurs politiques (Le Courrier de Lyon, Le Salut Public, Le Progrès, Le Petit Lyonnais, Lyon républicain, Le Nouvelliste de Lyon, L’Express de Lyon).
Sur ces 717 journaux lyonnais, 205 concernent les loisirs. Les journaux qui composent cette presse partagent une mise en page similaire et une diffusion limitée par rapport aux quotidiens. Ces journaux s’intéressent à la satire, au théâtre puis aux mondanités, à la broderie et enfin aux sports. Excepté quelques-uns, la plupart de ces journaux sont éphémères. Ils s’adressent à un lectorat plus populaire que celui des quotidiens politiques.

Les caractéristiques de la presse de loisirs

Ces derniers se distinguent par leurs titres courts, explicites (Lyon s’amuse) et symboliques (L’Entr’acte lyonnais). La profusion des journaux traitant des mêmes sujets entraîne des titres similaires. La quasi-totalité de ces journaux ont des sous-titres à rallonge qui recensent par des adjectifs et par ordre d’importance tout ce dont le journal est susceptible de parler (La Clochette : journal littéraire, satirique, théâtral et mondain). Des titres à rallonge qui ne sont pas non plus dénués d’humour (Le Cocodès, journal des imbéciles rendant parfaitement idiot en vingt-quatre heures et paraissant tous les jeudi).

Cette presse de loisirs ne s’intéresse pas à la politique. Elle privilégie les sujets lyonnais afin de séduire le public localement et pour résister à la concurrence des journaux parisiens. Mais aussi, elle n’a pas les moyens humains et matériels de s’intéresser à autre chose.

La majorité de ces titres est à 4 pages, sur un format moyen à trois colonnes. Ces journaux font partie de « la petite presse ». Certains sont régulièrement illustrés, surtout par des caricatures ; mais la plupart sont ternes. Les articles sont courts, souvent signés par un surnom ; souvent il s’agit de chroniques du même auteur.
Ces journaux lyonnais contiennent des histoires, des poèmes, des chansons mais rarement des roman-feuilletons. La place de la publicité y est assez réduite.
Ces journaux de loisirs sont surtout des hebdomadaires publiés le dimanche surtout, le samedi et parfois le jeudi.
Une autre caractéristique de ces journaux : ils sont bon marché par rapport aux quotidiens et sont vendus dans la rue : de 10 à 15 centimes. Ils sont principalement vendus au numéro par des colporteurs.

Derrière le nombre exceptionnel de journaux et la diversité des sujets apparaît donc une unité de forme et de diffusion.

Cette petite presse lyonnaise se distingue de ce qu’on appelle la presse populaire à un sou qui est plus une presse à sensation, sous la forme de romans-feuilletons. Seul Le Petit lyonnais est une tentative de presse populaire.

La réussite des journaux populaires parisiens sera l’une des causes de la disparition de journaux de loisirs à Lyon après 1914. Ils seront remplacés par les magazines et/ou seront intégrés comme rubriques dans les journaux quotidiens.

Plusieurs catégories apparaissent dans le temps :

La presse satirique
A Lyon l’explosion de la presse satirique est très nette avec Le Journal de Guignol en 1865.
Suite à son succès, plus d’une quarantaine de journaux satiriques paraissent entre 1865 et 1870 tous dans l’esprit de la marionnette puis de 1870 à 1914, 44 titres plus illustrés grâce aux caricatures. La Comédie politique (1871-1904) marque cette période. C’est le seul journal qui verse un cautionnement au régime bonapartiste. Après l’abolition du cautionnement en 1881, aucun journal ne se déclare politique. La dépolitisation des journaux satiriques est renforcée par l’apparition d’un sous-genre à partir de 1873 : les journaux comiques et humoristiques. Abondant toute référence à Guignol, ils se composent de dessins humoristiques, d’histoires drôles. Leur durée de vie est très courte. Parmi ces titres, on peut citer :
- Caquet-bon-bec : journal comique lyonnais hebdomadaire illustré / Perret imprimeur-gérant, Carabi-Carabo rédacteur
- Le Démon : journal humoristique, satirique, comique, drôlatique et charivarique / Guerraz, gérant

Les journaux de théâtre
Le XIXe voit se développer les salles de spectacles, Lyon en compte 13 sur la période. C’est l’époque du boulevard, du vaudeville. 43 journaux apparaissent. Le plus remarquable en longévité sur la période sera Lyon–théâtre que devient Le Passe-temps, Le Passe-temps et le Parterre réunis ; propriété de l’agence de publicité Fournier qui aura le monopole des ventes dans les théâtres.

Les journaux mondains
17 journaux apparaissent sur la période ; le 1er Monde lyonnais en 1880 et le dernier Lyon mondain en 1903.
Ces journaux tiennent des chroniques, échos sur le théâtre, les hommes politiques locaux, la finance et les indiscrétions : La Bavarde
La presse mondaine disparaîtra au profit de la presse sportive qui inclut cet aspect mondain. C’est ainsi que le dernier Lyon mondain devient Lyon mondain et sportif en 1903.

Les journaux féminins
16 journaux s’adressent ouvertement aux femmes à partir de 1895. Il s’agit principalement de patrons de broderie publiés surtout par des magasins d’articles de confection : La Broderie pratique de Lyon : journal de lingerie et de tous autres travaux féminins

Les journaux sportifs
A partir de 1893, 18 journaux consacrés exclusivement aux sports apparaissent. La majeure partie de ces journaux est spécialisée dans un sport : Lyon-boules
Les journaux sportifs généralistes sont plus durables, plus épais et de plus grand format ; ils apparaissent plus tard. Lyon-sport est lancé en 1898, composé de 16 pages, sa taille augmentera régulièrement jusqu’en 1938. Il traite également de médecine, annonce les spectacles et organise chaque année un gala prestigieux. Son succès et sa modernité proviennent des associations sportives qui s’abonnent mais également de son lectorat large issu de toutes les couches de la société.
Les journaux sportifs lyonnais généralistes réussissent. C’est pourquoi les quotidiens tentent de lancer des hebdomadaires exclusivement sportifs.

Le début du 20e siècle marque donc l’acceptation de journaux non politiques et le succès de cette presse de loisirs.
La disparition de cette presse de loisirs lyonnaise a, en partie, les mêmes causes que le déclin des autres journaux : l’entrée dans la guerre 14-18 et à la sortie, la concurrence d’un autre média : la radio.
Ainsi la centralisation culturelle, la concurrence des grands journaux populaires parisiens, la professionnalisation et l’industrialisation de la presse marquent la fin des journaux loisirs progressivement remplacés par les magazines.

SOURCES :
La presse de loisirs à Lyon de 1870 à 1914 / Marc Jampy, 2000

Expériences de presse, Lyon 1870-1914 [Thèse] / Marc Jampy ; sous la direction de Olivier Faure, 2013

Création d’une presse de loisirs par des pionniers de la classe moyenne : Lyon 1870-1914 / in Cahiers d’histoire ; No 1, T. 46, 2001, p. 61-81

La presse lyonnaise du XIXe ou l’esprit d’un siècle / Anne Meyer, in Bulletin municipal officiel de la Ville de Lyon ; N°5864, 13 septembre 2010, p. 1-2