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Avec l’émergence du mouvement punk dans les années soixante-dix - fondé sur le désir de revenir à la spontanéité du rock primitif - c’est toute la contre-culture qui prend enfin ses marques. Ce petit mot sec de quatre lettres recouvre aujourd’hui une multitude de visions, de réalités dont le point commun se résume assez caricaturalement à un rejet radical de l’ordre établi. Entre le punk désinvolte dont l’humble objectif est de contrarier le bien pensant (et souvent avant tout ses parents) et le punk politique qui érige en dogme sacré l’écologie et l’anticapitalisme, on peinerait à trouver un terrain d’entente. Pourtant il existe bien une culture punk, façonnée autour du milieu musical dont elle est issue, lui-même apparu en réaction aux dérives grandiloquentes des formes prises par le rock au cours des années soixante-dix (le heavy metal et le rock progressif principalement). La musique punk évite délibérément toute démonstration ostentatoire de virtuosité, considérant que la musique doit pouvoir se pratiquer n’importe où et par n’importe qui, qu’elle n’est qu’une affaire de désir et de volonté. Assumant donc totalement son aspect frustre, expérimental et anti-commercial, la musique punk s’est propagée par des circuits alternatifs, dans des petites salles indépendantes ou des caves privées. Une véritable stratégie de la débrouille s’est développée autour de ces circuits de production et de distribution, débordant le domaine purement musical pour s’imposer en une éthique appliquée plus largement à la vie quotidienne, une mise en pratique concrète de l’anticapitalisme et l’anti-consumériste où il s’agirait de retrouver un savoir-faire artisanal pour s’affranchir de l’industrie et des grands groupes commerciaux. Ce « mouvement » affublé de l’acronyme DIY (« Do It Yourself » ou « Faites le vous-même »), bien qu’il ne soit pas un mouvement constitué à proprement parler, est considéré par beaucoup de ses adeptes comme une authentique alternative politique, un mode de vie basé sur l’autonomie active, souvent lié à l’anarchisme, à l’autogestion et aux mouvements squats et punks.

La crise et les catastrophes environnementales du début du XXIème siècle ont popularisé dans l’opinion publique les principes du DIY : récupération, réparation, modification, recyclage, réutilisation, création sont devenus les nouvelles valeurs du siècle naissant. D’une éthique de l’autonomie, le DIY s’est transformé en esthétique engagée dans les athanors fumants des relations publiques de grands groupes commerciaux - qui ne sont plus à une contradiction près. On voit aujourd’hui des publicités pour des banques maquillées en esthétique DIY : un comble ! Jusqu’aux bibliothèques qui n’hésitent plus à accueillir des expositions d’œuvres issues de ces logiques de la débrouille… Pour autant, aux marges de la société de consommation, le mouvement reste indifférent à ces tentatives de récupération.

A Lyon en particulier, cette scène alternative est particulièrement riche. En dépit d’une vraie difficulté à exister sur le long terme, les salles de concert underground résistent en proposant tout au long de l’année une programmation d’une variété étonnante – dont se fait l’écho Ville morte, publication indépendante offrant un programme trimestriel de ces réjouissances - dans des styles musicaux parfois très éloignés des origines punks du DIY. On assiste même aujourd’hui en sourdine à l’émergence d’un graphisme underground lyonnais, rayonnement qui risque malheureusement de passer complètement inaperçu en dehors des cercles d’initiés. Organiser soi-même un concert de musique, une exposition de fanzines, un salon de la microédition, c’est s’affranchir des circuits économiques traditionnels pour développer des pratiques et des modes d’expression hors des schémas de la culture institutionnelle. Le DIY réduit les intermédiaires et juxtapose les fonctions, en s’appuyant sur les réseaux amicaux et l’entraide. Il en va de même sur le plan de la communication, où les contraintes budgétaires imposent des réalisations à faible coût. L’affiche papier reste cependant un média incontournable pour la promotion d’un évènement à côté des blogs et réseaux sociaux. Elle a recours à des procédés artisanaux : dessin, collages, photomontages concoctés par l’organisateur, l’un des participants, ou un ami illustrateur en fonction des affinités et compétences de chacun. L’affiche de concert en est un bon exemple. Réalisée souvent dans l’urgence, elle joue avec les contraintes en proposant des esthétiques brutes ou singulières, visuels mystérieux ponctués de qualificatifs sibyllins. Des petits formats qui échappent au regard peu perspicace, du noir et blanc, moins coûteux à l’impression, mais aussi des sérigraphies pour vendre sur les concerts ou pour donner vie aux murs lyonnais. Ces affiches discrètes témoignent d’une grande liberté de ton, reflet des univers musicaux qu’elles incarnent (punk, rock indé, pop…) et de l’univers singulier de leur auteur. Si certains de ces affichistes ne font qu’un passage éclair dans le milieu, pour d’autres, c’est un investissement au long cours, un acte militant.

Entre l’affichiste qui porte sur les murs son propre message et celui qui se fait le porte-voix d’un commanditaire, tout n’est finalement qu’une affaire d’implication. Dans un cas comme dans l’autre l’objectif reste le même : informer et convaincre. Et si, dans le fond, elle était là la différence entre le graphiste qui élabore l’affiche d’un client parce que c’est son métier et celui qui réalise l’affiche du concert de son groupe ou de celui d’un de ses potes ? La puissance évocatrice de ces affiches de concert s’explique sans doute par la marge de liberté créative laissée à leurs auteurs, mais peut-être aussi par leur implication affective dans l’évènement qu’elles défendent. «  Do it yourself » : d’abord parce qu’on n’a pas forcément les moyens de faire autrement, mais aussi parce que, vraiment, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.