La Documentation régionale
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Renaud Thomas
sérigraphe, éditeur, auteur de bandes dessinées
Dans quel contexte as-tu été amené à produire des affiches ?
J’ai fait des études de dessin à Lyon, pendant lesquelles j’ai rencontré, parmi mes camarades de classe, des gens avec qui je partageais des goûts, des envies, principalement en bande dessinée. On a formé un collectif, lancé une revue et une structure d’édition. L’un d’eux avait aussi un groupe, et quand ils ont commencé à enregistrer, on s’est mis ensemble à dessiner des pochettes de disques et quand ils ont commencé à tourner, des affiches de concert. Plus tard, un ami faisant partie de Grrrnd Zero m’a demandé une affiche pour un concert qu’il organisait, puis d’autres ont enchaîné. Un jour j’ai dit que je n’avais plus trop le temps et depuis on ne me demande plus, alors que j’en referais avec plaisir.
J’aime faire des affiches parce que j’ai très peu appris le graphisme, quelques notions, et que ça me permet d’essayer pas mal de choses par moi-même, et tester des techniques ou idées que je ne tenterais pas dans un livre entier.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
La pratique évolue en permanence, et les influences aussi. Cependant, une constante serait peut-être l’envie d’un dessin brut, percutant, avec tout un tas de petits détails cryptés. Parmi les images qui m’accompagnent souvent il y a des dessins expressionnistes allemands, de l’art traditionnel africain, l’underground américain de Crumb et de RAW magazine, l’européen du Dernier Cri, des revues techniques et scientifiques de l’époque où on pensait que ça allait bien se passer et des photos que je prends dans la rue.
Peux-tu décrire comment se déroule l’élaboration d’une de tes affiches ?
Au début on me donne la date et le nom des groupes, et toutes les autres infos définitives à faire figurer sur l’affiche. Un crayonné rapidos au format final (A3), le placement des lettrages, la place restante pour le dessin (pas de blanc, la nature a horreur du vide), j’encre avec une plume. Puis le dessin est scanné et bidouillé sur ordinateur et envoyé à l’organisateur, qui, donc, demande une dernière modification avant impression. Par exemple un groupe qui s’appelle « Xyoud » est remplacé par un groupe qui s’appelle « The Strufignoulla of Mayevuhuh from Panamruid », ce qui ne prend pas la même place sur l’affiche.
Le rôle d’une affiche.
J’aime le fait que les affiches puissent être à l’image des événements qu’elles défendent, modestes et pleines d’énergie. Ces concerts, festivals, expos, en marge des circuits traditionnels et commerciaux sont organisés par des gens pour les gens, avec un dévouement pour apporter le meilleur à des prix accessibles à tous malgré un gros manque de moyen (compensé la plupart du temps par une passion à toute épreuve). Dans cette logique, l’affiche A3 en photocopie noire, simple et abordable, semble idéale pour investir l’espace public et tenter d’informer un public plus large que les habitués.
Souvent le dessinateur ou graphiste est choisi en fonction du style musical. Pour ma part l’idée et le graphisme sont pensés en ayant pleine connaissance de la musique jouée par les groupes. Parfois des idées peuvent surgir de leurs noms, de leur style musical, ou venir d’ailleurs et coller à l’esprit du groupe. Ou encore être en décalage total. J’envisage ma création d’affiches comme une suite d’expériences toutes différentes plutôt que comme une méthode précise à appliquer à chaque fois
Quelle est ton implication dans l’évènement promu par l’affiche ?
Mon implication dans l’événement, faute de plus de temps, se limite à la création de l’affiche, qui n’est pas rémunérée. C’est la seule façon pour moi de soutenir cette scène, ces infrastructures précaires et un poil moins soutenues par les collectivités que le nouveau stade de foot, et reposant grandement sur le bénévolat de chacun.