La Documentation régionale

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Tristan Perreton

musicien, illustrateur, écrivain, éditeur

Dans quel contexte as-tu été amené à produire des affiches ?
J’ai grandi avec les affiches. Le travail de ma mère était de coller des affiches de théâtre (et autre) dans les magasins. Dès ma plus tendre enfance j’ai vu s’amonceler des piles et des piles d’affiches chez moi. A l’adolescence, je me suis mis à jouer dans des groupes et tout naturellement j’ai dû faire les miennes pour annoncer nos concerts. Ensuite c’est devenu un peu plus sérieux avec la création du label S.K. records où nous faisions jouer entre autres des groupes au Kafé Myzyk, au Pezner et au CCO, en plus de nous occuper de nos propres tournées, et encore plus intense avec la fondation du Grrrnd Zero.
Un peu avant cet enchaînement, j’ai été objecteur de conscience au CCO, et très rapidement on m’a confié la responsabilité de créer des affiches pour quelques événements. J’ai ainsi pu faire mes premiers essais en bichromie offset, tout en pratiquant assidûment la photocopieuse. La sérigraphie est venue tout naturellement au début des années 2000. C’était le moyen idéal pour faire des affiches en couleur pour pas cher. On m’a introduit dans le collectif Black Screen où j’ai pu apprendre cette technique en tâtonnant tout seul dans l’atelier. Je me suis mis à redessiner les collages que j’avais pour habitude d’exécuter. A force d’en faire, j’ai commencé à avoir des commandes rémunérées et j’ai dû m’inscrire à la Maison des Artistes pour officialiser tout ça. C’est en ce sens que je me considère plus comme affichiste que comme graphiste. Quant à ma formation, j’ai appris sur le tas, à force d’envies et d’essais.

Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Mes influences proviennent des affiches de cinéma peintes mais aussi surtout des affiches de magie de la fin du XIX° / début XX°, et des couvertures de pulps fantastiques et de SF français de cette époque (Sar Dubnotal en tête). Quelques auteurs de mangas et de comics m’ont aussi accompagné (Go Nagai, Jack Kirby pour citer les plus emblématiques) et je suis forcé d’avouer que sans un certain type de graphisme américain né avec le courant punk (Raymond Pettibon, Kozik, etc.) je n’aurais sans doute jamais fait de telles affiches.

Peux-tu décrire comment se déroule l’élaboration d’une de tes affiches ?
Aujourd’hui je tente d’abandonner le dessin au trait (que je pratiquais hérétiquement sur ordinateur en redessinant des photomontages en vue de les sérigraphier) au profit de la peinture. Je trouve que l’affiche peinte se fait de plus en plus rare et la puissance qu’elle dégage est pourtant sans égale. Les artistes de rue du Ghana, d’Inde et du Mexique ainsi que les primitifs italiens m’ont ouvert un autre chemin.

Le rôle d’une affiche.
L’affiche est mon medium principal. Je ne sais pas vraiment faire autre chose en terme de graphisme. Quand je dois faire une peinture, il me faut quand même placer une typo, un titre pour équilibrer et donner du sens à mon dessin. Et je suis très rigide quand à la lisibilité du truc. Si j’apprécie certains graphistes qui jouent avec les codes et les déconstruisent, j’en suis moi même incapable. Un gardien du temple en somme…bien que j’estime ma marge d’expression totale. Je n’ai jamais accepté une commande où je n’ai pas eu les mains à peu près libres. Je sais bien évidemment m’adapter à la commande, car l’affiche doit servir l’événement qu’elle illustre avant tout. Et en ce sens, oui, mes choix graphiques sont influencés par le nom du groupe ou le lieu du concert. C’est même souvent ça qui me sert de base de réflexion. Quant au public, j’aimerai pouvoir moins toucher un public de niche, mais notre société est ainsi segmentée. Aussi j’essaye d’être un peu plus universel dans les thèmes que j’utilise tout en développant un style qui s’adresse plus au public underground.
La place de l’affiche est pour moi dans la rue. Elle peut être arrachée, remplacée, recouverte, volée ou respectée, elle existe pour jalonner notre environnement urbain de promesses de folles soirées. Qu’on en sauve quelques unes du dehors et qu’on les placarde chez soi, je trouve ça merveilleux (je le fait aussi) mais la vie d’une affiche est avant tout périssable et remplaçable.

Quelle est ton implication dans l’évènement promu par l’affiche ?
En dehors des affiches que je réalise pour des ami(e)s ou des concerts dont je participe à l’organisation, il est pour moi très important d’être rémunéré, ne serait ce que symboliquement. On paye l’électricité, la sono, la location de salle, l’assurance, la boisson, le catering, l’essence, les cigarettes et de moins en moins les artistes… Donc quitte à faire moins d’affiches, tant pis, car je sais que je m’impliquerai à fond dans celles dont on me confiera la responsabilité.