Depuis deux ans, les rapports sociaux ont fortement été impactés par la crise sanitaire : port du masque, limitation des contacts au strict nécessaire, repli sur soi ou chez soi, réduction du cercle des intimes...
Après deux ans de crise, un premier constat positif est à faire : l’activité de prêt des bibliothèques n’a chuté « que » de 21%, ce qui montre que les bibliothèques sont partiellement entrées dans le schéma du « besoin de première nécessité ».
Dans son rapport « Les effets de la crise sanitaire sur l’activité des bibliothèques » du 1er avril 2022, le ministère de la Culture constate une baisse de 21% des prêts sur un échantillon de 64 bibliothèques de communes de plus de 100 000 habitants.
Mais la diversité des propositions des bibliothèques a bien du mal à retrouver ses publics :
certains services (jeux, tablettes) n’ont pas été réactivés depuis la crise
la dimension du collectif devient repoussoir quand elle n’est pas associée à une obligation ou à un plaisir
le « 3e lieu » est une notion qui n’a plus trop de sens, dans une société qui a tendance à se contracter sur le « 1er lieu », le foyer
Déjà peu identifiée comme un lieu « de plaisir », la bibliothèque a été surtout marquée par les contraintes durant ces deux dernières années. Si ces dernières ont été rendues nécessaires, voire obligatoires, elles ont clairement renforcé l’image terne et « réglementée » de la bibliothèque. De plus les précaires sont particulièrement touchés par la désaffection.
Fréquentation des bibliothèques entre 2019 et 2021
Fréquentation : une baisse de 48 % par rapport à 2019
Une différence entre Part-Dieu et Territoires (- 52% et -46%), alors même que la baisse des horaires sur la Part-Dieu a été globalement moindre que sur le réseau (-19% d’horaires d’ouverture, -37% sur le réseau).
L’explication la plus logique est celle de la moindre proximité géographique (usage des transports en commun pour accéder à la bibliothèque de La Part-Dieu = 47,5% des visiteurs, contre 25,4% pour l’ensemble du réseau).
Par ailleurs, les travaux du quartier, le télétravail généralisé dans les grandes entreprises du quartier d’affaires, ainsi que l’aspect repoussoir d’un « grand lieu de rassemblement » peuvent aussi expliquer cette différence¨.
Il est intéressant de se comparer aux évolutions des autres lieux publics du quartier :
. le nombre de visiteurs du centre commercial de la Part-Dieu est également en chute : 30,4 millions de visites en 2019 / 18 millions en 2020 / 18,5 millions en 2021 (- 39%), pour une offre en augmentation. Leur analyse est que c’est la clientèle des actifs qui a fait défaut.
. la fréquentation de la gare Part-Dieu (arrivées/départs) baisse, elle, de plus de moitié entre 2019 et 2021.
Une différence entre l’évolution globale des visites des salles à la Part-Dieu (-44%) et celle de la bibliothèque (-52%).
Deux facteurs explicatifs :
un recours aux services « Hors Les Murs » plus important (activation de la boîte 7/7 en 24 heures sur 24 / inscriptions en ligne : 39% des inscriptions en 2021)
une diminution des visites concernant les usages « hors salles » : animations culturelles, utilisation de tablettes, visionnage sur place, restauration….
Un écart d’évolution entre les départements marqués « savoirs » (civilisation, sciences, société, doc reg) ( -41%) par rapport à ceux marqués « loisirs » (jeunesse, arts, littérature, musique) (-48%)
Moins d’usages « sérieux », par manque de besoin, ou par manque d’envie ?
Une différence marquée entre des bibliothèques à profil « tranché »
Baisse de 31% de fréquentation pour la bibliothèque du 3e (nombre de visites « accompagnées = 31,8% / usage très centré sur le prêt) contre - 54% pour la bibliothèque du 3e Lacassagne (63,2% des visites accompagnées, usages multiples de la bibliothèque).
La bibliothèque « nouveau modèle », avec ses jeux vidéo, son ambiance familiale, ses espaces à vivre et à partager entre générations se révèle plus impactée par la crise sanitaire que le modèle plus traditionnel centré sur le prêt !
Prêts : une baisse de 21 % par rapport à 2019
L’usage « prêts » est celui qui résiste le mieux. Néanmoins, les visites des inscrits représentent 75,5% des visites, donc on peut en déduire que, si ces dernières avaient suivi une évolution similaire aux prêts, on n’aurait pas une diminution de la fréquentation aussi forte.
On a donc un effet également de réduction de la fréquence de visite : on emprunte peut-être autant, mais plus efficacement (on vient moins souvent, du fait de la réduction des autres usages : consultation et travail sur place, animations, jeux…).
A noter que 2021 est la 1ere année de « vrai décrochage » des prêts de DVD : leurs prêts accusent une baisse de 36% par rapport à 2019, soit 15 points de moins que l’évolution générale des prêts. L’ensemble des supports autres qu’imprimés (CD, textes lus, méthode de langue, œuvres d’art) accuse une baisse plus importante que l’ensemble des prêts.
L’action culturelle (accueils pédagogiques, ateliers, conférences…) a été très impactée bien sûr par le contexte sanitaire : le nombre de rendez-vous proposés, tout comme leurs participants, baissent des deux tiers entre 2019 et 2021.