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Qu'elle provienne du Canard enchainé, des Guignols de l'info ou de Dieudonné, la satire frappe et scandalise. Elle bouscule les normes sociales et dérange le politique en usant d'armes singulières : le comique, l'exagération et la caricature. Comment se construit-elle, entre conventions artistiques et règles juridiques, comment a-t-elle évolué dans ses formes, ses contenus et ses stratégies ?

Genre issu de la tradition antique, la satire est une œuvre centrée sur la dénonciation d’une situation, de mœurs et des attitudes. Pour le satiriste allemand Kurt Tucholsky, «la satire mord, rit, se moque et frappe». Mais la satire ne se définit pas seulement par ses cibles. Elle se caractérise aussi par la place et le rôle que lui offrent les sociétés dans lesquelles elle évolue et donc par les tensions qu'elle génère.

Les attentats contre Charlie Hebdo de 2015, les polémiques à répétition au sujet de dessins de presse et de certains registres humoristiques révèlent que la satire se situe sur une ligne de crête?: dénonçant les travers de la société ou le ridicule de certains comportements, elle est souvent accusée de mépriser les plus faibles et de tourner en dérision les choses les plus sacrées. L'ouvrage qu'a co-dirigé Cédric Passard réunit historiens, juristes, philosophes, politistes, sociologues et linguistes, pour offrir le plus large regard sur la pratique satirique, sur les contraintes qui l’entourent et les conditions qui la rendent possible, notamment les contours de la liberté d’expression. Il proposent d'examiner les normes esthétiques et les contraintes juridiques, sociales, politiques et morales qui structurent son espace, les formes qu’elle revêt, les stratégies qu’empruntent les auteurs, les réceptions qu’elle engendre et enfin les divers positionnements à son égard. Or « l’espace de la satire semble s’être considérablement réduit ces dernières années, comparé à ce qui serait son âge d’or sous la Troisième République, voire à un certain moment libertaire des années 1960-1970 » écrit Cédric Passard et son co-auteur Denis Ramond.

Du XIXe?siècle jusqu’à ses usages politiques récents, alors qu’elle doit désormais jouer avec un nouvel «?esprit de censure?», la satire montre qu’elle est depuis bien longtemps l’art périlleux de choisir ses cibles.